Jennifer Padjemi : "Il faut assumer nos féminités plurielles et non celles imposées par les industries"
La brillante journaliste et essayiste française née au Togo présente ici son second ouvrage Selfie. Comment le capitalisme contrôle nos corps, (Éd. Stock). Juste, nécessaire et acéré, il dénonce le poids des réseaux sociaux sur notre corps et notre vision de nous-mêmes.
À l’instar de son podcast Miroir Miroir dont le dernier épisode a été publié en 2019, Jennifer Padjemi évoque dans ce livre le lien violent qui existe entre le racisme et les diverses normes de beauté. Rencontre.
Le seflie nous sépare-t-il du monde ?
Marie Claire : Le selfie, pratique dont vous avez fait le titre de votre livre, est-il notre nouveau miroir ?
Jennifer Padjemi : Avec un selfie, il y a des filtres, de la pixélisation, et un écran qui nous sépare du monde. C’est à double tranchant, on reprend le contrôle d’une image dont on n’a pas toujours la narration tout en craignant de ne pas être validé·e par les autres.
L’acceptation de soi prônée par les féministes noires, lesbiennes, grosses des années 60 a, dites-vous, été lissée, formatée, « washée »…
Barbie Ferreira, mannequin et actrice grosse, a posé pour une campagne de jeans Urban Outfitters, qui n’a pas sa taille. C’est une forme de « washing » de faire croire à une certaine population qu’on la prend en compte.
Le « body positivisme » est perçu comme un mouvement anti-complexes mais tout le monde est complexé, c’est normal. Être discriminé ne l’est pas.
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Standards de beauté et racisme
Vous dites également que les femmes sont sommées de choisir entre deux modèles opposés ?
Oui, c’est une forme de racisme qui ne dit pas son nom. Pourquoi ? Parce qu’une femme comme Gwyneth Paltrow, blanche et « passe-partout », est beaucoup plus valorisée et acceptée dans notre société qu’une femme comme Kim Kardashian, à la féminité très marquée, pas assez classe.
Il faut se connaître soi-même.
Celles qui lui ressemblent transforment parfois avec des produits toxiques leurs corps pas assez normés. L’idée du self-care revient souvent dans les rencontres en librairie. Il faut se connaître soi-même, assumer nos féminités plurielles et non celles imposées par les industries.
Cette interview a été initialement publiée dans le magazine Marie Claire numéro 949, daté juin 2023.
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