« Israël, Terre de séries » décortique « le contre-modèle hollywoodien »
- Israël, Terre de séries, documentaire inédit d’Olivier Joyard, est diffusé ce jeudi à 23h à la suite de la série événement Our Boys sur Canal+.
- Le réalisateur se demande comment un si petit Etat peut être aussi fécond en matière de création audiovisuelle avec aussi peu de moyens et d’expérience.
- Ce documentaire nourri et captivant sonde les paradoxes et la complexité d’un pays qui vend 1 série sur 4 à l’étranger.
Le 30 août 2019, Benyamin Netanyahou, alors en pleine campagne électorale, accuse dans un message sur Facebook Our Boys, la série d’Hagai Levi qui relate les événements tragiques qui ont conduit, à l’été 2014, à la guerre de Gaza, de « salir » Israël. Le Premier ministre israélien appelle également au
boycott de Channel 12 qui coproduit la fiction avec HBO. La diffusion de cette série événement ce jeudi à 21h05 sur Canal+ sera suivie d’un captivant documentaire. A 23h, Israël, Terre de séries, signé
Olivier Joyard, plonge à Tel-Aviv au cœur de la foisonnante fabrique à fictions israélienne. Sans Israël, pas de Homeland, ni d’In Treatment, ni d’Euphoria. Comment un si petit Etat peut-il être aussi fécond en matière de création ?
Fauda et When Heroes Fly sur Netflix, On the Spectrum sacrée à Séries Mania, Asylum City, Miguel, False Flag sur MyCanal… Depuis une quinzaine d’années, la planète entière s’arrache les séries israéliennes. « L’idée est venue d’une séquence de mon précédent documentaire, Bingemania, tournée en Israël. Avec mes producteurs et Canal+, on a réfléchi à l’idée d’un film entier sur les séries israéliennes. On voulait au travers ce cas particulier illustrer le phénomène de la mondialisation des séries », raconte Olivier Joyard.
Le succès des fictions israéliennes est d’autant plus surprenant que c’est un pays avec peu de téléspectateurs. « Israël compte moins de 9 millions d’habitants, auxquels il faut retrancher les ultra ultra-orthodoxes qui ne regardent pas la télévision et les Arabes qui ne regardent pas les programmes israéliens », résume le réalisateur.
En Israël, « la télévision est une idée neuve »
Autre phénomène surprenant, en Israël, « la télévision est une idée neuve », souligne le documentariste. « La première chaîne de télé est apparue en 1968 et la première chaîne privée en 1993, souligne Olivier Joyard. Israël n’avait pas d’industrie télévisuelle il y a vingt ans. » Depuis le début des années 2000, « le monde a les yeux braqués sur le miracle israélien » et ses fictions « fauchées, audacieuses, avec une grande qualité d’écriture ». « Les scénaristes aimeraient plus d’argent », lance le réalisateur, qui pointe « la précarité des créateurs ».
Si les séries nées à Tel-Aviv s’exportent dans leur version originale, elles font l’objet de nombreuses adaptations. Homeland, In Treatment et Euphoria sont ainsi des remakes de Hatufim, BeTipul et Euphoria. « La 20e adaptation de BeTipul sera française. En thérapie est en partie réalisée par Eric Toledano et Olivier Nakache », salue Olivier Joyard. Revers de la médaille, « Israël a développé une forme de dépendance par rapport à ces remakes. »
Au travers les interviews des grands noms de la fiction israélienne (Hagai Levi, Ron Leshem, Nir Bergman, Avi Issacharoff…), des executifs des chaînes privées Yes et Keshet, et d’une visite de tournage, Olivier Joyard sonde les paradoxes et la complexité de ce petit pays. « Israël est un pays jeune. La règle, c’est inventer au jour le jour. Et en même temps, son histoire est millénaire , résume-t-il. Le monde des séries appartient à un milieu culturel ouvert et lucide sur la condition géopolitique israélienne. Il n’y a pas de sujet tabou. »
Nul doute que nous avons « beaucoup à apprendre d’eux, ils proposent une contre-programmation à Hollywood », félicite le réalisateur. D’où vient l’exceptionnelle créativité de ce « contre-modèle hollywoodien » ? « Des vies intenses et des échos de la guerre qui sont partout », de la « tradition littéraire forte », de la prolifération des écoles de cinéma « 8 ou 9, c’est énorme par rapport à la taille du pays », du manque de moyens ou encore du fait que « la nécessité soit devenue une vertu » ? Au travers une analyse fine et nourrie, Israël, Terre de séries montre comment Israël, avec ses fictions, a réussi à toucher le cœur d’une époque.
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