Ils se détestaient, maintenant ils s'aiment profondément
- Tiraillés entre la fascination et la répulsion
- Repousser la personne qui réveille des blessures
- Diaboliser la relation pas peur de souffrir
- Entre la haine et l’amour, l’excitation
- Commencer par la fin, la clé d’un amour sincère ?
- De l’importance d’écouter son instinct
C’est l’une des intrigues favorites des scénaristes et des écrivains : les histoires d’amour entre celles et ceux qui commencent par se détester pour ensuite mieux s’aimer.
“Quand on raconte les débuts de notre couple, on nous fait souvent la remarque que ça fait très fanfiction. D’ailleurs, adolescente, j’étais amatrice de ce genre de lecture”, rigole Emma, 31 ans, en couple depuis 7 ans avec Alexis.
En effet, avant de s’aimer, les deux vingtenaires “ne pouvaient pas se sentir”. Tout comme les parents de Lola*, qui “se sont voilés la face en se persuadant qu’ils ne se supportaient pas” ou encore Mark et Victoria, des étudiants qui n’auraient jamais dû se croiser et qui ont fini par tomber dans les bras l’un de l’autre.
“C’est un bon ressort romanesque. Mais la vérité c’est qu’on diabolise l’amour pour se donner une bonne raison de ne pas s’en approcher”, démystifie d’emblée Catherine Demangeot, psychothérapeute de couple.
Alors, de l’agacement à l’amour en passant par l’excitation, des couples nous content comment ils se sont d’abord mépriser, avant de s’amouracher.
Tiraillés entre la fascination et la répulsion
“Franchement, au début je le trouvais insupportable. Je me souviens de la première fois où j’ai entendu sa voix, et que j’ai pensé ‘lui, il est arrogant’”, se remémore Emma.
C’est lors d’un séminaire de master qu’elle et Alexis se rencontrent. “Il était très ami avec l’une de mes nouvelles copines, donc je devais tout le temps me le coltiner. C’était très étrange parce qu’on ne se portait pas d’attention, pourtant on ne s’est jamais frités, mais cet agacement inexpliqué était réciproque. Quand on était à trois, c’était très gênant”, partage-t-elle.
Pourtant, la jeune femme se surprend à être déçue quand Alexis n’accompagne pas sa nouvelle amie ou quand il loupe un cours. “Je vérifiais toujours s’il était là. Au début je croyais que c’était pour m’assurer que j’allais passer un bon moment, sans entendre sa voix insupportable (à l’époque, elle précise, ndlr), mais finalement c’est parce que je cherchais son attention”, avoue-t-elle.
La première chose que j’ai pensé c’est ‘lui, il est arrogant’.
Pour Catherine Demangeot, ce comportement répond à un mouvement de fascination répulsion. “On peut être irrésistiblement attiré.e par une personne et la force de cette attraction peut être si intense qu’on éprouve une peur panique à l’idée de se laisser aller et d’accueillir ce tsunami. Donc on se persuade qu’on n’est pas intéressé.e”, explique-t-elle.
Ainsi, l’attirance non-assumée se déguise – inconsciemment – en fausse haine. “On n’est plus dans l’attirance ou la rencontre, on est déjà dans un tiraillement. C’est ce double mouvement que l’on peut ressentir quand on va voir des films d’horreur, où l’on paye pour se faire peur”, complète la spécialiste des relations amoureuses.
Repousser la personne qui réveille des blessures
“Ma mère m’a toujours dit que si elle n’a pas voulu sortir avec mon père pendant des mois, c’est parce qu’il lui rappelait le sien”, commence Lola*, 21 ans.
Pourtant, aujourd’hui ils sont mariés depuis près de 30 ans et parents d’un trio. “Là ils s’aiment très fort, mais c’était pas gagné, ça a été le jeu du chat et de la souris”, rigole la jeune femme.
Présentés par la sœur de la mère de Lola, ses futurs parents commencent du mauvais pied. “Mon père voulait clairement s’amuser et ça n’a pas plu à ma mère. En voyant qu’elle était inaccessible, lui a voulu continuer à la courtiser”, explique-t-elle.
Pendant deux ans, ils se cherchent sans jamais se trouver, le comportement volage de celui qui la convoite rappelant à la mère de Lola les nombreuses tromperies de son père.
“Souvent, la personne réactive quelque chose d’ancien et en général, ça peut rouvrir des blessures, qu’on hérite, dans la majorité des cas, de notre enfance. C’est une réaction épidermique”, éclaire Catherine Demangeot.
“Au final, mon père faisait le gros dur, mais il était déjà bien piqué, sauf qu’au bout d’un moment, il a commencé à se faire une raison. C’est quand il a commencé à lui manquer que ma mère a compris qu’il fallait qu’elle tente quelque chose de son côté. Et elle a bien fait, il s’est rangé pour toujours », continue Lola.
“Il ne faut pas oublier que le contraire de l’amour c’est l’indifférence et pas la haine. Donc si l’on se rend compte que l’on est ni dans la répulsion, ni dans la fascination ou l’indifférence, il y a quelque chose de sous-jacent à écouter. Sûrement un désir”, révèle la spécialiste.
Diaboliser la relation pas peur de souffrir
“On s’est rencontrés en Erasmus. Lui était du genre casanier, moi je voulais profiter de mon année à l’étranger”, débute Victoria, 25 ans.
Quand elle rencontre Mark, il “reflète tout ce qu’elle ne cherche pas chez un mec”. ll est “plus vieux, studieux et calme”. Elle est « fêtarde, rêveuse et absolument pas prête à se poser”.
« Et puis on n’était pas du tout sur les mêmes habitudes de vie, moi je viens d’Espagne, lui d’un pays nordique, même sur les horaires de dîner ça ne collait pas« , s’exclame-t-elle.
“Moi j’avoue qu’elle me faisait peur”, rigole, de son côté, son compagnon. Lui non plus n’était pas attirée par la jeune femme. Loin de là.
Il reflétait tout ce que je n’aimais pas chez un mec.
“En fait c’était typiquement le genre de fille que je n’attirais jamais, donc forcément, je la méprisais un peu. Et c’était pareil pour elle. Je pense qu’on pensait tous les deux que l’autre se croyait au dessus”, analyse-t-il.
“Il y a des gens qui préfèrent diaboliser la relation ou diaboliser l’autre. On essaye de se dissuader en listant tous les points incompatibles entre nous, mais visiblement, ça ne fonctionne pas toujours », souligne Catherine Demangeot.
Entre la haine et l’amour, l’excitation
Pourtant, au fil des rencontres sur le campus et des soirées entre buddies – des groupes d’étudiants en Erasmus crées pour favoriser l’intégration -, les regards se font plus insistants.
“Un jeu s’est installé. C’était un interdit, mais sain. C’était super excitant. D’ailleurs, notre histoire a commencé par une relation sexuelle”, dévoile la jeune femme.
“Il y a un plaisir, pas pervers, mais humain, qui peut émaner de ces désirs contraires. Ça met un peu de piment dans la rencontre”, rassure Catherine Demangeot.
« Quand tout se passe bien, c’est chouette mais c’est mièvre. Ici, il y a quelque chose de fort et d’intense. On peut craindre les ravages de cette intensité et à la fois les désirer », poursuit-elle.
Commencer par la fin, la clé d’un amour sincère ?
Une phrase commune à ces histoires ? Ils ont tous “commencé par la fin”. En scrutant d’abord les défauts, pour ensuite découvrir les choses surprenantes chez l’autre.
“La fascination, c’est le coup de foudre, mais il y a beaucoup de gens qui en sortent déçus parce qu’ils en redescendent très vite. Tandis que dans le mouvement de répulsion, il y a plus quelque chose de l’ordre d’un amour sincère : pour que j’arrive à traverser mes peurs, mes préjugés sur l’autre, je chemine petit à petit vers lui. L’amour se construit au quotidien”, assure la thérapeute de couple.
Mes parents disent que même s’ils se séparent un jour, ils ne se détesteront jamais, parce qu’ils sont déjà passés par là.
« Au début de la relation, on a tendance à surinvestir l’objet de son amour. Au fil du temps, on voit les défauts. Tandis que si je m’attends au pire, je ne pourrai avoir que des bonnes surprises. On n’est pas dans l’illusion de la perfection”, précise-t-elle.
“D’ailleurs, mes parents disent que même s’ils se séparent un jour, ils ne se détesteront jamais, parce qu’ils sont déjà passés par là”, appuie Lola.
De l’importance d’écouter son instinct
Mais si ces histoires font sourire et sont dignes des meilleures écrits Wattpad, et son filtre « enemies to lovers », une généralité n’est pas à faire d’elles.
“Ce sont des histoires parmi d’autres. Il faut avant tout écouter son instinct. Quelques fois, il y a ce mouvement de répulsion pour de bonnes raisons. Si l’on ressent quelque chose de la sorte, il faut se poser pour savoir si c’est de l’attirance, de l’excitation, une forme de fascination ou si ça réveille des blessures anciennes. Si on ne le sent pas, on n’y va pas”, rappelle Catherine Demangoet.
Car, après tout, si l’on aimait secrètement toutes les personnes que l’on ne porte pas dans notre cœur, nos vies amoureuses seraient bien plus compliquées. D’autant que certains traits identifiés comme red flags ne trompent généralement pas.
“L’intensité à tout prix, c’est non, parce que notre corps nous fait aussi passer des messages et il a très souvent raison”, termine l’experte.
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* Le prénom de la personne a été changé
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