Il faut qu'on parle de la place des femmes dans le premier épisode de "House of the Dragon"

Après trois ans d’attente, les fans de Game of Thrones étaient-ils prêts pour un retour si réussi de l’univers imaginé par George R. R Martin ?

Lundi 22 août 2022, en simultané avec les États-Unis sur OCS et HBO, le premier épisode du préquel House of the Dragon s’est enfin dévoilé au public.

Inspiré du roman fantastique Feu et Sang et jusqu’alors fidèle à l’atmosphère de la série-mère, House of the Dragon remonte le temps, 172 ans avant la naissance de Daenerys Targaryen, cultissime « mother of dragons » incarnée par Emilia Clarke dans « GOT ». Ses ancêtres, sur lesquels cette nouvelle série fait un focus, dirigent à cette époque les sept royaumes de Westeros et, bien sûr, vont rapidement se disputer le trône (pourquoi changer une recette qui fonctionne ?).

Dans cette bataille pour le pouvoir, à l’impeccable photographie, de nombreuses violences sont infligées aux femmes, même aux plus hautes placées dans le Royaume. Passage en revue de ces personnages de premier plan.

Attention, cet article contient de nombreux spoilers.

Rhaenys, la fille du roi écartée du trône parce que femme

« En l’an 101, le vieux roi réunit un grand conseil pour choisir un héritier. Plus d’un millier de seigneurs se rendirent à Harrenhal. Quatorze revendications furent entendues. Mais seules deux furent réellement considérées. Celle de la princesse Rhaenys (Eve Best), l’ainée des descendants, et celle de son cousin, le prince Viserys Targaryen (Passy Considine), l’ainé des descendants mâles. » Ainsi débute cette nouvelle série créée par Ryan Condal et Miguel Sapochnik.

Aussi logiquement que légitimement, Rhaenys aurait dû accéder au plus au rang. Sauf qu’elle est une femme.

Viserys devient pour cette unique raison le cinquième roi de la dynastie. Dans le reste de cet épisode prometteur, Rhaenys observe d’un bout de la table des conseillers son cousin régner, se fait discrète. Pour combien de temps ?

Rhaenyra, la princesse mal-aimée

Le nouveau roi a été sacré il y a neuf ans seulement, mais une seule question anime le Royaume : qui va-t-il nommer comme héritier ?

Son infréquentable frère (Matt Smith) prêt à toutes les cruautés pour s’asseoir sur le trône de fer ou un fils qui n’existe pas encore ? 

Aveuglé par sa vision patriarcale du pouvoir, Viserys n’envisage même pas sa descendance directe, son unique enfant alors : Rhaenyra (jouée par l’époustouflante actrice australienne Milly Alcock), dotée pourtant d’atouts indispensables pour honorer la Couronne. 

Comme sa grande cousine Rhaenys une courte décennie avant elle, la princesse se frotte à l’hostilité de la Cour, presque exclusivement masculine, et à l’obsession de son père pour la naissance-miracle d’un fils, qu’elle vit – on la comprend – comme un rejet, une preuve de désamour.

La reine Aemma : uniquement bonne à « offrir » un héritier mâle au roi Viserys

Aemma Arryn, épouse du roi, ne se fait aucune illusion quant à sa fonction de reine, son unique valeur aux yeux du Royaume : donner naissance à un fils, et donc à un héritier Targaryen. Dans les premières minutes de cet épisode rythmé, elle prépare d’ailleurs sa fille à ce rôle, elle qui aspire à une autre existence.

Pendant ce temps, Viserys Targaryen n’a que les mots « fils » et « héritier » à la bouche, persuadé que la reine attend un garçon.

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Dans une autre scène, qui se déroule peu avant l’accouchement, Aemma, dans son bain, confie son épuisement moral à son mari. Inquiète, elle lui rappelle – et nous apprend – l’impressionnant nombre de fausses-couches qu’elle a subi, et d’enfants morts-nés qu’elle a pleuré. Puis le prévient : si cette fois elle n’accouche pas d’un fils, alors tant pis, il pourra considérer qu’elle a failli à sa mission s’il le souhaite. Mais elle, ne souhaite pas revivre une énième grossesse à risque.

Le roi fait mine de comprendre, avant de répéter son intime conviction : l’héritier est dans son ventre et tout va bien se passer.

Ces quelques passages illustrent parfaitement l’énorme pression qui pèse sur les épaules de la reine.

Une scène d’accouchement insoutenable

« Il est indispensable de prévenir celles et ceux qui ont vécu une expérience traumatique périnatal. Certaines séquences peuvent être très difficiles à vivre », avertissait sur Twitter le 22 août dernier Frédérick Sigrist, producteur sur France Inter et animateur de la projection de cet épisode pilote au Grand-Rex, à Paris, où 2 800 fans de l’univers Game of Thrones s’étaient réunis.

La longue scène de l’accouchement de la reine s’avère particulière éprouvante pour le spectateur. Choquante, sanglante, barbare, fonctionnent aussi pour la qualifier. Quasi-irregardable – certains se sont cachés les yeux ou ont tourné la tête en direction de leur voisin, un autre est même sorti de la salle quelques minutes.

Alors qu’Aemma a débuté le travail, les chevaliers s’affrontent dans l’arène à coup de lances. Les deux évènements s’entrecoupent, on passe à l’un, on revient à l’autre, dans une palpable tension – et un montage parfait – : les combats médiévaux, organisés par Viserys en l’honneur de la naissance à venir de son fils, sont violents, le sang coule, mais ils sont presque une respiration, un répit pour le spectateur, tant cette mise au monde est insoutenable.

Après quelques poussées dans les cris et des complications comme le craignait tant la reine, le Grand Mestre explique discrètement au roi qu’il doit choisir : sauver le fils ou la mère, au risque de voir les deux mourir.

On ne voit pas Viserys répondre à celui qu’il considère comme érudit. Mais le plan qui suit nous impose son sacrifice.

Le bébé est retiré du ventre de sa mère, sans le consentement de cette dernière, retenue par les dames de compagnie alors qu’elle se débat.

Il y a le sang, bien sûr, qui rend ces minutes visuellement insupportables. Mais aussi l’extrême souffrance et l’incompréhension d’Aemma, condamnée si brusquement à la mort au nom du trône.

Le gore s’arrête après cette césarienne sans anesthésie, mais nos cœurs n’ont pas le temps de se raccrocher que le nourrisson décède, à son tour, quelques heures après l’accouchement. 

D’un « Dracarys » lancé durant l’enterrement, la princesse Rhaenyra endosse le fardeau, face à un père éploré, et ordonne à un dragon de brûler le corps de sa mère et de son frère.

Alicent, la fille de la main du roi : une adolescente manipulée par son père

Après le drame au carré, Otto Hightower (Rhys Ifans), la main du roi, convoque sa fille Alicent (Emily Carey), amie d’enfance de la princesse orpheline. S’il commence par demander à son adolescente comment va Rhaenyra, il lui ordonne surtout d’aller « consoler » le roi. 

La jeune fille ne saisit pas, le public a un doute – mais espère se tromper – pourtant, le plus haut conseiller de Viserys somme bel et bien son enfant de réconforter l’endeuillé en s’offrant sexuellement à lui.

Ce premier épisode de House Of The Dragon, c’est Alexis Raben, l’épouse de Miguel Sapochnik, l’un des réalisateurs de la fiction, qui le résume le mieux : « Des hommes qui préfèrent se détruire plutôt que de voir une femme sur le trône ». Le patriarcat, en somme. Thématique que les showrunners de la franchise ont tenu à traiter dans cette série dérivée, et qui va donner à cette dernière « un aspect plus contemporain », promet Miguel Sapochnik, dans les colonnes d’Empirele 2 août dernier.

Le dernier quart d’heure semble annoncer la place centrale que s’apprêtent à prendre Rhaenyra et Alicent dans l’intrigue. Sont-elles prêtes à combattre le patriarcat en même temps que les dangereux prétendants au trône ? Puisse leur sororité déstabiliser le Royaume.

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