"Grosse pute" : un policier suspendu après avoir insulté une plaignante pour agression sexuelle
Les mots sont violents et le ton est inquiétant. Dans un enregistrement audio dévoilé mardi 15 février 2022 par Mediapart, un agent de police tient des propos injurieux sur le répondeur d’une plaignante qu’il tentait de contacter. Celle-ci ne répond pas et le policier croit avoir raccroché, il parle donc impunément de la jeune femme de 34 ans qui a porté plainte pour agression sexuelle.
Des injures violentes
« Grosse pute »; « une pute » lâche-t-il vigoureusement au téléphone. L’agent semble en colère, il reproche à la jeune femme de ne pas revenir au commissariat et d’ainsi refuser la confrontation avec l’homme qu’elle accuse.
« Putain, elle refuse la confront’ en plus, la pute. Comme par hasard. En fait, c’était juste pour lui casser les couilles », peut-on entendre dans le fichier audio. D’après le journal d’investigation, l’appel a eu lieu quelques heures après le dépôt de sa plainte, le 5 février.
Le fonctionnaire suspendu
À la suite de la publication de l’article, le préfet de Police Didier Lallement a annoncé mardi 15 février que l’agent serait suspendu. L’Inspection générale de la police nationale (IGPN) a été saisie.
Toujours selon Mediapart, la plaignante a été entendue par « la police des polices » dans le cadre d’une enquête, et elle aurait porté plainte pour injures. « Je pense que ce monsieur n’a plus sa place dans la police nationale(…) Il a sali et a craché sur l’uniforme de la République », a déclaré le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin sur Europe 1.
La Ministre déléguée auprès du ministre de l’Intérieur, Marlène Schiappa, a également réagi à l’affaire, auprès de Franceinfo, estimant que « ces propos n’ont pas leur place dans la police, ils sont profondément choquants ». Elle assure néanmoins qu’ils ne sont « pas représentatifs de l’accueil et de l’écoute qui est apportée aux femmes » dans les commissariats.
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L’accueil des victimes au cœur des débats
Pourtant, ce n’est pas la première fois qu’une femme qui veut porter plainte, que ce soit pour agression sexuelle, sexiste, pour viol ou encore pour violences conjugales est mal reçue par les forces de l’ordre. Depuis quelques années, des associations et militantes féministes dénoncent le manque de formation et d’empathie des agents qui reçoivent les victimes de violences au poste.
C’est une réalité vécue aujourd’hui par des milliers de femmes victimes
Elles regrettent le sexisme et la misogynie ordinaire qui gangrènent l’institution de façon systémique. À travers des mouvements de prises de paroles en ligne et dans les médias, tels que #DoublePeine, Paye ta police, Prends ma plainte ou encore Paye ta plainte, des femmes racontent leur difficulté à être prises au sérieux et à être prises en charge lorsqu’elles sont victimes. Elle décrivent des dépositions humiliantes et des questions culpabilisantes lorsqu’elles racontent les faits.
« C’est une réalité vécue aujourd’hui par des milliers de femmes victimes de violences sexuelles, ayant le courage de porter plainte. », regrette l’association féministe #NousToutes dans un communiqué.
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En mars 2021, le collectif avait publié une enquête intitulée #Prendsmaplainte, dont les chiffres reflétaient déjà cette réalité. Ainsi, sur les 3500 témoignages « 66% des répondantes ont fait état d’une mauvaise prise en charge par les forces de l’ordre lorsqu’elles ont voulu porter plainte pour des faits de violences sexuelles ». Parmi elles, 30% ont assuré qu’elles avaient subi « des moqueries, du sexisme ou des propos discriminants », précise #NousToutes.
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