Faut-il se ruer sur la mélatonine pour retrouver le sommeil ?
C’est l’hormone miracle qui nous promet des nuits longues et paisibles. Mais, la mélatonine est-elle aussi efficace qu’on veut nous le faire croire ? Est-elle adaptée à tous ? L’éclairage du Dr Éric Mullens, spécialiste du sommeil.
Si certaines personnes préfèrent en rester aux méthodes naturelles comme « compter les moutons » pour retrouver le sommeil, d’autres préfèrent se tourner vers une hormone qui fait fureur dans les rayons des parapharmacies : la mélatonine.
En France, on estime à 1,4 millions le nombre de boîtes de compléments alimentaires à base de mélatonine vendues par an*. Coup marketing ou véritable efficacité ? On fait le point.
Qu’est-ce que la mélatonine ?
« Il s’agit d’une hormone sécrétée naturellement par notre cerveau lorsque la lumière baisse : c’est le signal qui nous indique que l’on passe en mode nuit et qu’il faut aller se coucher », explique le Dr Eric Mullens, médecin-somnologue et chef de service au Laboratoire du sommeil – Fondation Saint Sauveur à Albi (81). Au matin, une autre hormone, le cortisol, prend le relais et nous indique qu’il faut nous réveiller.
Malheureusement, nos mauvaises habitudes du soir, à savoir traîner sur nos tablettes et autres smartphones, ont tendance à perturber notre horloge biologique interne et externe, dont dépend notre rythme circadien (toutes nos fonctions biologiques sur un cycle d’environ 24 heures). La lumière bleue qu’ils diffusent envoie alors le mauvais message au cerveau. Conséquence : la synthèse de la mélatonine est retardée et Morphée rechigne à nous prendre dans ses bras.
Un actif qui n’a rien d’un somnifère
La mélatonine est généralement conseillée chez les personnes âgées, une population de couche-tôt (on parle aussi de syndrome d’avance de phase) et lève-tôt, aux travailleurs de nuit ou aux voyageurs en cas de décalage horaire.
« Il est très important de faire un bilan auprès d’un médecin du sommeil formé à la chronobiologie afin de savoir s’il est utile (ou non) d’en prendre, comment, quand et en quelle quantité », prévient notre expert. Généralement, les compléments alimentaires renferment généralement 1 à 2 mg de mélatonine par comprimé.
Contrairement aux idées reçues, prendre de la mélatonine ne fait absolument pas dormir : « Ce n’est pas un somnifère ! Elle modifie seulement les phases de sommeil », tient à rappeler le Dr Mullens. Et inutile de doubler ou tripler la dose, cela ne change rien. « Si on prend de la mélatonine, il faut adopter un comportement similaire à celui que l’on aurait quand la nuit vient, se mettre dans un rituel de coucher ».
Mais à quoi bon avaler un cachet s’il n’a aucun effet sur notre organisme ? « La mélatonine, c’est intéressant, mais beaucoup ne vont en retirer aucun bénéfice car ce ne sera pas adapté à leur profil », conclut notre spécialiste du sommeil.
Des contre-indications dans certains cas particuliers
Entre 2009 et mai 2017, 90 signalements d’effets indésirables susceptibles d’être liés à la consommation de compléments alimentaires contenant de la mélatonine ont motivé l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses)** à procéder à une évaluation des risques que constitueraient cette molécule pour la santé dans le cadre d’un dispositif national de nutrivigilance.
Au vu des résultats obtenus, l’Anses déconseille donc la consommation de produits à base de mélatonine à certaines catégories de personnes.
Sont concernés les femmes enceintes et allaitantes, enfants et adolescents, personnes souffrant de maladies inflammatoires et auto-immunes ou devant réaliser une activité nécessitant une vigilance soutenue et chez lesquelles une somnolence pourrait les exposer à un problème de sécurité. Les personnes épileptiques, asthmatiques, souffrant de troubles de l’humeur, du comportement, de la personnalité, ou sous traitement médicamenteux, doivent quant à elles obtenir l’aval de leur médecin au préalable.
Cette molécule, « en plus de ses effets sur l’horloge biologique », possèderait d’autres propriétés pouvant conduire « dans certaines conditions, ou lors d’interaction avec d’autres substances, à l’apparition d’effets indésirables – céphalées, vertiges, somnolence, cauchemars, irritabilité, tremblements, migraines, nausées, vomissements, douleurs abdominales- et avoir des effets néfastes comme une modulation de l’humeur et du système immunitaire, une régulation de la température corporelle et de la motricité intestinale, ainsi qu’une action vasodilatatrice, vasoconstrictrice et pro-inflammatoire.
* Estimation réalisée par le Syndicat National des Compléments Alimentaires (Synadiet) sur la base de données recueillies en mars 2016 par IMS Health pour le secteur « pharmacie et parapharmacie » et IRI pour le secteur « grandes et moyennes surfaces ».
** https://www.anses.fr/fr/system/files/NUT2016SA0209.pdf
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