Épidémie de Covid-19 : à quoi peut-on s’attendre en 2022 ?
Que nous réserve 2022 sur le front de la Covid-19 ? C’est la question que l’on se pose tandis que notre quotidien, rythmé par l’épidémie depuis deux ans, pourrait à nouveau s’obscurcir face à une cinquième vague épidémique qui pousse de nombreux pays européens à imposer de nouvelles mesures sanitaires strictes.
Christian Bréchot – ancien directeur général de l’INSERM et de l’Institut Pasteur, aujourd’hui président du Global Virus Network aux États-Unis – nous éclaire sur ce qui pourrait nous attendre.
Marie Claire : La vaccination va-t-elle permettre de réduire la circulation du virus à long terme ?
Christian Bréchot : Quand on analyse les différentes vagues successives, il est parfaitement clair qu’à chaque fois que la vaccination est faite à un niveau suffisant, elle réduit les formes graves et les hospitalisations – ce qui est le principal objectif – mais aussi la circulation du virus. Quand on regarde ce qu’il s’est passé cet été, on s’aperçoit qu’à partir du mois de juin, la France a atteint un niveau important de population vaccinée et une prévention de la circulation du virus de l’ordre de 80%.
On ne se débarrassera pas du virus, car un virus ne disparait pas comme cela, mais la vaccination massive réduit non seulement les formes graves et les hospitalisations mais aussi la circulation du virus.
Selon vous, des doses de rappel seront-elles nécessaires pour toutes les tranches d’âge ?
Elles seront nécessaires, mais pas immédiatement. Il faut d’abord prioriser en donnant des doses de rappel aux personnes de plus de 65 ans, puis de plus de 50 ans et ainsi qu’aux personnes qui ont des maladies qui peuvent être des facteurs de gravité comme les maladies cardiaques, pulmonaires ou encore les diabètes. À l’avenir, on vaccinera et on injectera des doses de rappel à tout le monde.
Tant que l’on n’aura pas réglé le problème global de la circulation du virus dans le monde, on ne sera pas tranquille.
L’autre priorité est de vacciner dans le monde. Il faut comprendre que la ré-augmentation du nombre de cas en France, mais surtout aux Pays-Bas, en Allemagne ou en Autriche, est due au fait que le virus à continué de circuler dans des pays comme la Russie ou des pays d’Europe centrale ou orientale. Donc, tant que l’on n’aura pas réglé le problème global de la circulation du virus dans le monde, on ne sera pas tranquille.
Les États-Unis et Israël ont donné le feu vert pour vacciner les enfants à partir de 5 ans. La France devrait-elle suivre ?
Dans l’avenir, oui. Actuellement, ce n’est pas une priorité.
L’immunité collective est-elle toujours envisageable avec une baisse d’efficacité des vaccins ?
C’est vrai que l’on a beaucoup évolué sur cette question. C’est ce qu’on est en train d’atteindre progressivement en France. Il y a un très fort pourcentage de la population qui est vacciné auxquels s’ajoutent les personnes infectées de façon naturelle. Mais on a encore du mal à déterminer à partir de quand on atteint cette immunité collective. À un moment, on espérait qu’avec 70% des gens vaccinés, on l’aurait mais cela n’est pas le cas. La notion d’immunité collective reste vraie mais pour l’atteindre, il faut avoir des niveaux de vaccination très élevés.
La France à commandé 50 000 doses de molnupiravir – un antiviral. Ce médicament pourrait-il être une alternative à la vaccination dès l’année prochaine ?
Il faut bien s’entendre sur les mots. Une alternative aux vaccins, certainement pas. Cela n’a pas de sens. 2022 devrait être une année de développement des antiviraux, car il y a beaucoup de molécules qui sont en cours d’arrivée. Cela va être extrêmement utile pour traiter les gens infectées par la Covid. Par contre, il ne faut surtout pas que ce soit vu comme une alternative, mais plutôt comme un complément à la vaccination. C’est très important. Il ne faudrait pas se sentir protégé par ces antiviraux.
Doit-on s’attendre à d’autres mutations du virus tout aussi virulentes que le variant Delta ?
On sait qu’il y a d’autres variants comme le variant colombien dont on ne parle pas, car ils n’ont pas pris le dessus. Pour l’instant, le variant dominant reste le variant Delta. Ceci dit, il y a un sous-variant du Delta qui est apparu mais il n’est pas très différent du variant Delta. Il reste sensible aux vaccins et ne donne pas de formes plus sévères.
Les antiviraux ne doivent pas être vus comme des alternatives, mais plutôt comme des compléments à la vaccination.
Le virus évolue en permanence et c’est normal. Il n’est pas impossible que l’on voit un autre variant arriver. C’est pour cela qu’il faut vacciner, et dans le monde entier, car on ne peut pas prévenir l’apparition de nouveaux variants avec uniquement une politique nationale.
Les mesures sanitaires que l’on connaît depuis 2020 seront-elles toujours nécessaires en 2022 ?
Très honnêtement, je ne sais pas. Actuellement, je pense que le pass sanitaire en France est une excellente mesure si on l’applique. Elle évite justement des mesures qui sont impossibles à appliquer comme celles en Autriche – d’empêcher les personnes non vaccinées de sortir de chez elles.
Si on a le pass sanitaire, les mesures de précaution et le masque dans les écoles, on passera la cap. On est en droit d’espérer que dans 2/3 mois, on puisse alléger ces mesures. On peut se diriger vers une situation dans laquelle on aura une répétition de vagues qui seront de moins en moins nocives et auront de moins en moins d’impact. Mais c’est bien difficile à dire.
Selon vous, la cinquième vague épidémique va-t-elle faire plus de dégâts que la quatrième ?
Je ne pense pas. Je pense que les dégâts qu’elle risque de faire seront chez ceux qui ne sont pas vaccinés. Il faut toujours répéter que la pandémie de Covid-19 est la pandémie des personnes qui ne sont pas vaccinées. Dans une grande partie du monde, c’est parce que certains n’ont pas la chance d’avoir accès aux vaccins, et dans les pays riches et favorisés comme la France, c’est parce qu’il y a des personnes qui ne voient malheureusement pas la chance qu’ils ont.
Quand on va au travail, il n’est pas normal que l’on puisse contaminer des personnes simplement parce qu’on a fait le choix de ne pas se faire vacciner.
Depuis que les tests de dépistage sont payants pour les personnes non-vaccinées, le taux de dépistage a fortement diminué. Pensez-vous que rendre ces tests payants soit une bonne idée ?
Je pense que c’était une mesure logique. Il n’y pas de raisons que la société paye des tests dépistage pour ceux qui ont décidé de ne pas se faire vacciner. Je pense, et je ne vais pas être populaire en disant cela, que le pass sanitaire devrait être appliqué partout. Quand on va au travail, il n’est pas normal que l’on puisse contaminer des personnes simplement parce qu’on a fait le choix de ne pas se faire vacciner.
L’argument des antivax est de dire que l’on peut être contaminé à la Covid-19 et qu’on peut la transmettre tout en étant vacciné…
C’est un argument stupide et pervers. Alors effectivement quand on est vacciné, on peut avoir la Covid, mais cela reste à un pourcentage faible – autour de 10 à 15% des cas – ce qui veut dire que 85% des personnes sont protégées. De plus, quand on est infecté, le taux de multiplication du virus diminue beaucoup plus vite lorsqu’on est vacciné, on est contagieux beaucoup moins longtemps et on ne fait pas de formes graves. Ce n’est pas parce que la vaccination n’est pas absolue – aucun vaccin ne l’a jamais été – qu’il ne faut pas la faire.
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