En France, une pension alimentaire sur trois n’est pas payée

170 euros par enfant. En France, une pension alimentaire sur trois n’est pas payée, ce qui fragilise des milliers de femmes. Dès juin 2020, un service public facilitera le recouvrement des sommes dues. Une réforme saluée par tous les acteurs de terrain.

Beaucoup ignorent l’existence de l’Aripa, l’organisme qui récupère les pensions alimentaires non payées. 10 à 20% des familles seulement le sollicitent.

Après un week-end chez son père, Eliot, 15 ans, lance inquiet à sa mère Myriam : « Il paraît que tu vas mettre papa en prison ? » En février dernier, en reconversion professionnelle, cette dernière a porté plainte pour abandon de famille : son ex-mari ne paie plus la pension alimentaire depuis quatre mois.

C’est humiliant, c’est une forme d’emprise.

« Licencié, il refuse de s’inscrire à Pôle emploi et me demande d’être compréhensive. Depuis sept ans, je dois la lui réclamer chaque mois, c’est humiliant, c’est une forme d’emprise« , déplore Myriam. En France, un million de parents touchent une pension qui, dans 30 % des cas (1), n’est pas versée ou alors irrégulièrement.

Une pression financière et psychologique

Une pression financière et psychologique que connaît bien Christine Kelly, porte-parole de K d’urgences (2), l’association qui se bat pour faire reconnaître les difficultés des familles monoparentales : « Au début de la crise des gilets jaunes, quand j’ai interrogé les familles sur ce que je devais faire remonter au gouvernement, ce sujet a été, avec le logement, leur priorité. »

Requête entendue puisque le 25 avril dernier, lors de son allocution de clôture du grand débat national, Emmanuel Macron a martelé : « On ne peut pas faire reposer sur des mères seules qui élèvent leurs enfants (…) l’incivisme de leurs anciens conjoints. »

Il y a eu une trop lente évolution, mais ce nouveau service public va mettre fin à ces injustices criantes.

Un problème récurrent, selon l’avocat Franck Normandin. « Il y a vingt ans, c’était quasiment impossible de récupérer son dû. Le créancier, donc la mère, devait connaître l’adresse du père, qui devait avoir une activité salariée et des revenus permettant une saisie. Elle devait ensuite engager une action auprès d’un huissier. C’était onéreux et aléatoire. Les choses se sont améliorées avec l’intervention de la Caisse d’allocations familiales (Caf), qui pouvait se substituer en versant une somme qui ne correspondait pas toujours au montant des pensions. Il y a eu une trop lente évolution, mais ce nouveau service public va mettre fin à ces injustices criantes. »

« Un nouveau pouvoir aux Caisses d’allocations familiales »

En effet, dès 2020, les parents séparés pourront confier aux Caisses d’allocations familiales (Caf) un rôle d’intermédiaire dans le versement des pensions, cela pourrait concerner cent mille familles monoparentales d’ici mai 2021. « On donne un nouveau pouvoir aux Caf d’aller chercher sur salaire ou un compte pour verser la pension ou garantir son versement », a déclaré Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès de la ministre des Solidarités et de la Santé.

En cas de non-paiement ou partiel, l’Aripa (3), l’organisme public créé en 2017 pour récupérer les pensions alimentaires non payées, verse 115 euros par mois et par enfant. Mais l’agence n’est sollicitée que par 10 à 20% des familles qui, pour la plupart, en ignorent l’existence. Le gouvernement va plus que doubler ses effectifs grâce aux 40 millions d’euros prévus dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS).

La question du logement est cruciale.

Chargée de la médiation familiale à l’Union nationale des associations familiales (Unaf), Nathalie Serruques aimerait que les pouvoirs publics misent aussi sur l’accompagnement des personnes. « Nous, on milite pour le partage des APL. La question du logement est cruciale, on soutient la place du père qui, lorsqu’il n’a pas les moyens de loger ses enfants, ne se voit pas accorder la résidence alternée. Le plus délétère pour les enfants, ce n’est pas la séparation mais les conflits qui la suivent. » 

Régler le problème des pensions alimentaires, c’est aussi permettre à des familles désunies de se reconstruire.

1. Source ministère des Solidarités et de la Santé. 2. kdurgences.org 3. Agence de recouvrement des impayés de pensions alimentaires.

Les pensions alimentaires en chiffres

  • 170 : C’est, en euros, le montant moyen des pensions alimentaires fixées par le juge, la moitié d’entre elles sont comprises entre 100 et 200 €.
  • 350 000 : C’est le nombre de séparations chaque année en France. La moitié concerne des couples avec enfant mineur dont l’âge moyen est de 8 ans.
  • 18 : C’est le pourcentage que représente la pension alimentaire dans les revenus des familles concernées.
  • 41 500 : C’est le nombre de procédures en cours à l’Aripa. 66 millions d’euros ont été recouvrés en 2018 (+ 36 % par rapport à 2017). Cet argent est directement reversé aux familles.
  • Grenelle des violences conjugales : les nouvelles propositions retenues par le gouvernement
  • J’ai divorcé avant mes 30 ans

Source: Lire L’Article Complet