De Paris à Santiago, tour du monde des mobilisations pour les droits des femmes
Dimanche 8 mars, les manifestations pour les droits des femmes ont envahi les rues des grandes villes du monde entier. Cette année, la mobilisation a surpris dans de nombreux pays, notamment par son ampleur au Chili et par sa prolongation lundi au Mexique.
À travers leurs chants, sur leurs pancartes, elles ont scandé leur volonté de bâtir une société plus égalitaire et moins violente. À l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes, une vague de mobilisation sans précédent a déferlé dans les rues des villes du monde entier. En France, entre 80.000 et 100.000 personnes se sont rassemblées ce dimanche 8 mars. Contre les féminicides, contre la réforme des retraites peu avantageuse pour les femmes, contre les violences sexistes et sexuelles, femmes et hommes ont donné de la voix. Dans le cortège parisien, le collectif latino-américain Alerta Feminista était aussi présent. Signe que la mobilisation s’étend par-delà les frontières.
Vague violette
Ce collectif rassemble des personnes issues de plusieurs pays d’Amérique latine et vivant en France autour de revendications féministes. Son projet, soutenir la lutte pour les droits des femmes en Amérique du Sud depuis la France. «Notre organisation est le laboratoire d’un féminisme latino-américain de plus en plus fort, explique Valérie Fonne Morales, cofondatrice d’Alerta Feminista. La mobilisation de cette année est historique. Il y a une prise de parole en Amérique latine qui n’avait jamais eu lieu avant et surtout, il n’y a jamais eu autant de personnes mobilisées.»
Car, ce dimanche, les Français n’étaient pas les seuls à battre le pavé. De l’autre côté de l’Atlantique, les manifestants s’étaient aussi parés de violet, symbole des mouvements féministes, et de vert, couleur de la lutte pour le droit à l’avortement.
Brésil, Chili, Mexique : « Ni una menos »
Cette année, les rassemblements massifs en Amérique latine ont attiré tous les regards. Au Brésil, où l’avortement est encore illégal, des centaines de manifestantes ont défilé dans les rues de Sao Paulo. «Pour la vie des femmes, nous luttons pour la démocratie», disaient les banderoles. En ligne de mire, la politique du président brésilien Jair Bolsonaro, contre laquelle 100.000 femmes s’étaient déjà rassemblées en août dernier, lors de la «Marche des marguerites».
Mais c’est au Chili que la mobilisation a été la plus remarquée. Plusieurs centaines de milliers de femmes ont défilé à Santiago, la capitale, sous le slogan désormais célèbre dans tout le continent : «Ni una menos» («Pas une de moins»), pour dénoncer les féminicides. Elles ont également entonné le chant non moins connu Un violeur sur ton chemin, et exécuté la chorégraphie qui avait déjà fait le tour du monde.
Le 9 mars, le hashtag #UnDiaSinNosotras («Un jour sans nous») appelait les femmes mexicaines à soutenir une grève générale. L’idée : «Si on s’arrête, le monde s’arrête», explique Valérie du collectif Alerta Feminista. Comme au Brésil, la contestation féministe au Mexique vise aussi son président. Elle reproche à Andrès Manuel Lopez Obrador, dit «AMLO», son inaction en matière de violences faites aux femmes. Les Mexicaines étaient déjà rassemblées la veille, pour la Journée internationale des droits des femmes, et auparavant le 14 février. Une manifestation massive avait été organisée à la suite de l’assassinat d’une jeune femme de 25 ans, Ingrid Escamilla, poignardée et dépecée par son compagnon. Le lendemain, la découverte du corps de Fatima, 7 ans, morte après avoir été séquestrée et violée, alimente la colère et l’indigation des mouvements féministes mexicains.
En vidéo, « Femmes d’Argentine », le documentaire qui suit leur combat pour le droit à l’avortement
Aux États-Unis, faible mobilisation
Si la lutte féministe latino-américaine trouve écho chez ses voisines plus au nord. Lors de la Marche des femmes à Washington, le 18 janvier dernier, les activistes du groupe LasTesis («les thèses») ont participé au cortège avec leur chorégraphie désormais populaire. Et pourtant, peu de bruit du côté des Américaines ce 8 mars. Quelques rassemblements étaient prévus mais pas de grande manifestation, loin de l’appel à la grève générale du 8 mars 2017 ou de la marche organisée à Chicago, en octobre 2018, contre «la politique anti-femmes de l’administration Trump». Cette faible mobilisation étonne de la part du pays qui a donné naissance au mouvement Me Too. Les célébrités américaines étaient certes présentes sur les réseaux, à l’instar de Michelle Obama, Ellen DeGeneres ou encore Nancy Pelosi qui ont tweeté en l’honneur de cette journée symbolique.
Les célébrités s’engagent pour la Journée internationale des droits des femmes
«Je veux prendre un moment pour honorer ma mère», a expliqué l’actrice Diane Kruger dans un post Instagram, sur lequel elle pose aux côtés de cette dernière. (Posté le 8 mars 2020.)
«Je salue toutes les femmes incroyables et brillantes avec lesquelles je suis chanceuse de travailler chaque jour», a quant à elle déclaré Gwyneth Paltrow. (Posté le 8 mars 2020.)
Gisele Bündchen a célébré la «force, le courage et l’amour» des femmes qui font partie de sa vie. (Posté le 8 mars 2020.)
Jennifer Lopez a posté une photo avec Renée Zellweger pour la journée internationale des droits des femmes. (Posté le 8 mars 2020.)
En matière de droits des femmes, beaucoup reste pourtant à faire au pays de Donald Trump. À l’instar de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, toujours pas ratifiée. À ce jour, les seuls pays non signataires de cette Convention de l’ONU sont le Vatican, l’Iran, la Somalie, le Soudan et les îles Tonga.
L’action timide des Américaines le 8 mars contraste avec la mobilisation des femmes dans certaines sociétés patriarcales, comme le Pakistan. Là, un millier de manifestantes se sont rassemblées pour clamer leurs droits à Islamabad, selon l’AFP. La protestation a cependant été écourtée par des opposants conservateurs, membres de groupes religieux ou adhérents à des partis politiques islamistes, qui n’ont pas hésité à leur jeter des pierres et des bâtons, les forçant à se cacher jusqu’à ce que la police intervienne. Au Soudan et au Kirghizstan, des dizaines de femmes ont osé manifester. Même en Turquie, elles étaient, toujours selon l’AFP, quelques centaines à braver l’interdiction de rassemblement du gouvernement. Sur la pancarte d’une manifestante on pouvait lire : «Longue vie à la lutte féministe».
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