Culte de la confiance en soi : un diktat déguisé qui renforce les inégalités de genre en culpibilisant les femmes
- Culture de la confiance et inégalités des genres
- La confiance, chargée de positivité, devient toxique
- L’exemple du syndrome de l’imposteur
- Culte de la confiance en soi : comment y remédier ?
C’est toute une industrie qui s’est mise en marche ces dernières années afin de « donner davantage confiance aux femmes ».
Mais en instaurant une culture de la positivité, la société des années 2000 a en fait ajouter une énième charge mentale aux femmes, dans leur vie professionnelle, autant que dans leur vie de famille. C’est en tout cas ce qu’arguent les sociologues Shani Orgad et Rosalind Gill dans leur essai publiée en février 2022, Confidence culture.
Selon elles, il faut réévaluer l’importance donnée à la confiance, alors qu’elle camoufle finalement des problèmes sociétaux bien plus profonds.
Culture de la confiance et inégalités des genres
Partout dans la société, on vend aux femmes la théorie selon laquelle la confiance est le secret de la réussite, qu’elle soit personnelle et professionnelle. Dans ce sens, on leur explique que ce sont des blocages psychologiques qui les freinent et on les blâme de ne pas se démener à ‘surmonter leurs obstacles intérieurs’”, détaillent les autrices à Forbes.
Le culte de la confiance en soi, censé être la solution à tous les problèmes féminins, se trouve finalement être à double tranchant. Alors qu’à l’instar de la société, les entreprises promeuvent “l’idée que le manque de confiance des femmes est l’un des principaux obstacles au succès et à la progression des femmes”, explique la sociologue Shani Orgad, la confiance finit par nuire au véritable problème : le doute des femmes, impulsé par les inégalités, n’est pas psychologique mais bien sociétal, économique et institutionnel.
« Avoir confiance en soi est l’impératif de notre temps. Alors que les inégalités de genre et de classe s’approfondissent, les femmes sont de plus en plus appelées à croire en elles-mêmes”, expose la première ligne du livre des sociologues.
La confiance, chargée de positivité, devient toxique
Mais le manque de confiance en ses capacités, personnelles ou professionnelles, est bien souvent le symptôme des barrières qui se constituent face aux femmes, et non leurs origines.
Ainsi, tandis qu’on inculque aux femmes que c’est à elles “de se replier sur elles-mêmes”, de travailler sur leurs aptitudes et qu’on psychanalyse leurs incapacités, le culte de la confiance et sa connotation bienveillante, dessert les femmes. En effet, la confiance est tellement chargée de positivité qu’elle devient difficile à remettre en question.
“C’est comme une secte dans la mesure où c’est placé au-delà du débat : qui pourrait être contre la confiance ? […] Je pense qu’il est bon de se méfier des choses qui sont placées dans cet espace où elles ne peuvent pas du tout être interrogées”, confie Rosalind Gill, à Vox.
Une culture de la confiance qui se transforme en diktat de l’aplomb et la certitude, imposée aux femmes dans tous les aspects de leur vie : “il devient tellement incontesté qu’il s’intériorise dans la sphère la plus intime, où les femmes, souvent très douloureusement, se jugent selon cette attente inaccessible”, continue Shani Orgad.
L’exemple du syndrome de l’imposteur
À l’image du syndrome de l’imposteur, qui consiste à se déprécier constamment et sans raison, jusqu’à aller croire que sa réussite est seulement due au hasard et non au talent ou au travail, le doute de soi semble constamment pathologisé chez les femmes.
“Pourtant, cette focalisation détourne l’attention des causes profondes de ce syndrome ; comment, par exemple, les cultures de travail dominées par les hommes font que les femmes se sentent illégitimes et, surtout, ce que les lieux de travail peuvent et doivent faire pour soutenir les femmes” détaille Shani Orgad, toujours pour Forbes.
En effet, ce syndrome, qui toucherait 70% de la population, d’après une étude de 2011, est “plus fréquent chez les femmes qui réussissent que chez les hommes qui réussissent parce que la société est plus susceptible de démolir les femmes qui deviennent trop avisées, intelligentes, éduquées ou assertives”, confesse le Dr Jessica Taylor, psychologue agréée, auteure et militante féministe, au Guardian.
Culte de la confiance en soi : comment y remédier ?
“Nous suggérons qu’au lieu de commencer par un déficit supposé ou un syndrome problématique chez les femmes, les organisations doivent examiner leur propre culture et leurs pratiques”, martèle Rosaling Gill auprès de Forbes.
Même s’il est positif de parler de santé mentale, d’apprendre aux femmes à s’accepter, d’exposer les fragilités de chacun.e, son instrumentalisation détourne le regard des vrais problèmes. Ainsi, la société semble vouloir émanciper les femmes “en se concentrant sur les outils d’auto-soins que les individus peuvent apprendre et exploiter plutôt que de repenser les cultures et les structures », avoue Shani Orgad.
L’auteure préconise alors de “déplacer l’accent de l’impératif individualisé et psychologisé pour les femmes et les filles de travailler sur elles-mêmes vers les facteurs structurels et ressources nécessaires pour nourrir ce que nous appelons un climat de confiance”, à travers “des changements structurels par le gouvernement, les lieux de travail, les entreprises, les médias et le système éducatif.”
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