Covid-19 : “Personne ne sera immunisé de la même façon ou pour la même durée”

Deux ans après l’apparition officielle du premier cas de Covid-19, les certitudes concernant la maladie et ses conséquences sont presque inexistantes. 

Depuis 2020, les informations autour du SARS-COV-2 fusent sans pour autant éclairer les nombreuses zones d’ombre qui persistent autour du virus. La question de l’immunité post-infection est l’une d’entre elles, car si les multiples études consacrées au sujet évoquent une protection allant de plusieurs semaines à plusieurs mois, aucun consensus n’existe à l’heure actuelle. 

Alors, que sait-on, aujourd’hui, de notre immunité face au Covid-19 ? Réponses avec Pr Didier Payen, professeur de médecine à l’Université Paris Diderot. 

Marie-Claire : Comment fonctionne l’immunité ? 

Pr Didier Payen : “Il y a trois phases dans l’infection : la phase virale, la réponse immunitaire et la récupération qui soit se passe bien, soit laisse des séquelles et c’est ce que l’on appelle le Covid long.

La phase de réponse immunitaire est simple : la présence des antigènes liés au virus conduit le système immunitaire à rencontrer les antigènes et à les purifier pour s’en débarrasser. C’est ce qu’on appelle, la réponse cellulaire. Elle crée deux sortes de lymphocytes : les lymphocytes T qui continuent le travail pour acquérir une mémoire du virus et les lymphocytes B qui vont produire des anticorps contre les éléments déterminants du Covid-19. C’est la combinaison des cellules mémoire et des anticorps, qui composent l’immunité. 

Combien de temps dure cette protection ? Est-elle variable selon les profils (à risque ou non) ? 

Pr Didier Payen : Il n’y a pas de durée moyenne qu’on puisse donner, tout dépend de la personne et de plusieurs facteurs comme la génétique, la charge virale (a-t-on été fortement exposé au virus ou non), la capacité de notre système immunitaire à répondre à cette attaque (avec l’âge, le tissu immunitaire vieilli et se bat moins efficacement) ou encore les maladies sous-jacentes. Personne ne sera immunisé de la même façon ou pour la même durée

Il faut surtout prendre en compte la mémoire cellulaire, parce que compter seulement sur nos anticorps, ce n’est pas fiable.

Pourtant, l’Assurance Maladie indique aux guéris du Covid qu’ils ont six semaines d’immunité devant eux. Comment expliquez-vous cela ? 

Pr Didier Payen : Donner un temps médian de six semaines après une infection, c’est compréhensible parce que 90% des gens sont très bien protégés après avoir eu le Covid. Les 10% restant le sont moins parce qu’ils ont des pathologies qui les rendent plus fragiles. 

Cependant, même si c’est maladroit de mettre un temps quantitatif, si on ne le fait pas, c’est pire puisqu’après tout le monde va y aller de son propre chef et décider qu’il est immunisé pendant X mois. 

Mais donner une temporalité à l’immunité c’est impossible puisqu’elle dépend de beaucoup de facteurs (environnementaux, individuels, rencontres…) et qu’hyper simplifier les choses peut donner de faux feux verts et inciter les gens à mettre de côté les gestes barrières, se sentant protégés face à une nouvelle contamination. 

Souvent, l’immunité est associée à la présence, ou non, d’anticorps, mais qu’en est-il vraiment ? 

Pr Didier Payen : En effet, la plupart des gens pensent que s’ils ont des anticorps au-dessus d’un certain seuil ils sont protégés et s’ils sont en dessous, non, alors qu’il faut surtout prendre en compte la mémoire cellulaire, parce que compter seulement sur nos anticorps, ce n’est pas fiable.

La mémoire cellulaire va en quelque sorte imprimer le virus et le reconnaître dès qu’il tentera une nouvelle approche, ainsi, il sera directement éliminé. Il est primordial d’insister sur cette idée, centrale à l’immunité, car cette mémoire ne s’altère qu’en vieillissant, ou après la prise de certains médicaments.

Si l’immunité est fondamentale dans la lutte contre le Covid-19, on ne peut pas seulement se fier à elle.

Pourquoi conseille-t-on aux personnes immunisées après une infection de se faire vacciner si on bénéficie de cette mémoire cellulaire et d’anticorps ? 

Pr Didier Payen : Le vaccin, c’est le seul moyen de s’assurer qu’on donne la protéine du virus à la personne et donc un minimum d’antigènes qui la protégeront.

Il ne faut pas oublier que le vaccin est là pour protéger des formes graves et pas de la contamination. Oui, la ré-infection est possible mais, avec une bonne réponse immunitaire, les complications sont très rares.

Cette immunité est-elle menacée par la prolifération de variants ? 

Pr Didier Payen : Techniquement, un variant c’est le matériel génétique d’un autre virus ajouté au SARS-COV- 2 et le mélange crée un troisième virus avec des propriétés qu’on ne connaît pas. 

Omicron, c’est un virus SARS-COV-2 avec différentes mutations, il est plus transmissible mais peu générateur de formes graves. Il est tellement contagieux, qu’il a immunisé beaucoup de monde, puisque des millions de personnes ont été en contact avec. Le risque, comme c’est un virus qui est moins virulent est que cette immunité ne couvrent pas certaines caractéristiques du virus. Mais la protection n’est pas nulle. 

Il faut aussi prendre en compte l’idée que le système immunitaire, ce n’est pas quelque chose de figé. En fonction de certains paramètres (choc émotionnel, sport…), il peut être boosté ou diminué, donc si l’immunité est fondamentale dans la lutte contre le Covid, on ne peut pas seulement se fier à elle. C’est pourquoi il faut que les gestes barrières restent le bouclier numéro un face au virus.

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