Comment remonter la pente après un burn-out ?

  • De l’importance d’accepter le diagnostic
  • Créer une bulle de récupération pour reprendre racine en soi
  • Se défaire du syndrome du don de soi
  • Comprendre comment on en est arrivé là
  • Faire la paix avec l’autocritique et le perfectionnisme
  • Reprendre le chemin du travail : une thérapie !
  • Comment se protéger d’une rechute ?

34 % des salariés seraient en burn-out, dont 13 % en burn-out sévère, soit 2,5 millions de personnes. C’est le résultat de l’étude réalisée en 2022 par OpinionWay pour le cabinet Empreinte Humaine.

Bonne nouvelle malgré tout : la pathologie, désignée par certains experts comme le mal du siècle, trouve peu à peu ses solutions. « 80 % des patients souffrant d’épuisement professionnel que j’ai traités durant ces 15 dernières années ont su reprendre leur poste de travail dans les mêmes conditions difficiles et ils vont bien », rassure la psychologue et gestalt-thérapeute Catherine Vasey dans son ouvrage Burn-out, le détecter et le prévenir (ed. Jouvence).

Mais quels sont les outils à disposition des salarié.es victimes d’épuisement pour remonter la pente et revenir à la vie professionnelle ? 

De l’importance d’accepter le diagnostic 

D’après la psychologue du travail Monique Gogo, il faut bien sûr consulter son médecin traitant et passer par un arrêt maladie. « Souvent, nous avons affaire à des patients scrupuleux, qui ne souhaite pas abandonner leurs collègues, encore moins ‘profitez du système’. Malheureusement, 8 jours ne suffisent pas à enrayer un syndrome aussi violent‘, dit-elle.

J’ai d’abord refusé l’arrêt imposé par mon docteur, ensuite j’ai pleuré des litres, j’ai eu honte, j’ai culpabilisé, j’ai sombré.

Accepter le diagnostic du burn-out est le premier pas pour faire face à cet « épuisement physique, émotionnel et mental qui résulte d’un investissement prolongé dans des situations de travail exigeantes sur le plan émotionnel », (définition de la Haute Autorité de Santé (HAS)). Et ce constat ne va pas de soi, comme en témoigne Séverine sur le site associatif les Burnettes. « Comme beaucoup, j’ai d’abord refusé l’arrêt imposé par mon docteur, ensuite j’ai pleuré des litres, j’ai eu honte, j’ai culpabilisé, j’ai sombré et puis enfin des mois après… j’ai lâché prise », raconte la jeune naturopathe.

Créer une bulle de récupération pour reprendre racine en soi

Monique Gogo suggère de s’occuper d’abord de l’urgence physiologique : réparer le sommeil. « Les patients sont toujours dans les ruminations, ce qui ruinent leurs nuits. Or, si on ne dort pas, on ne peut pas faire face au problème« , observe la pro. Et de recommander à celles qui n’arrivent plus du tout à dormir de prendre un somnifère sur un temps donné, à étudier avec le médecin ou le psychiatre.

Autre conseil : une fois qu’on a envoyé son arrêt maladie, on évite tout contact avec l’entreprise et les collaborateurs. Évidemment, on ne consulte pas ses mails professionnels. Il est impératif de prendre de la distance avec le contexte qui nous a envoyé au tapis. « Si vous avez des collègues très proches, vous pouvez bien sûr les voir, à condition que cela ne génère pas de stress. Cadrez toutefois la rencontre en précisant être OK pour parler du travail pendant 1/4 d’heure, puis aborder d’autres choses ensuite », complète Monique Gogo.

Le sommeil ne suffit pas. Le repos total est nécessaire. « Ce dernier consiste à cesser d’utiliser la partie de soi qui est exténuée ou abîmée pour lui donner une chance de se régénérer. Il implique aussi de passer d’un type d’activité à un autre », affirment les sœurs jumelles Emily et Amelia Nagoski dans leur livre coup de poing Pourquoi les femmes font des burn-out, (Leduc). 

En bref, il faut shifter d’un état où l’on compte sur son endurance ou sa maîtrise de soi pour rester focalisée et productive chaque minute de chaque jour (gaslighting) à un état de « vacance » où le cerveau peut se réparer.

Se défaire du syndrome du don de soi

Pour certaines, ne rien faire et prendre soin de soi relève du combat. Flore, « Burnette » assumée, s’est réfugiée dans un monastère quelques jours pour vraiment acter la coupure avec le quotidien.

« Il me fallait le silence total, une coupure du monde, donc j’ai décidé de partir seule, sans ma famille, sans personne, surtout sans téléphone, pour me retrouver », partage la mère de famille qui se dit toutefois athée.

Les victimes du burn-out souffrent souvent de ce que les sœurs Nagoski appellent aussi le syndrome du don de soi, auxquels les femmes appartiennent massivement. Leur profil : elles offrent de bon cœur leur temps, leur attention, leur tendresse aux autres.

Cela fait bizarre de devoir se faire plaisir, de prendre du temps pour soi, de ne rien faire.

« Le syndrome du don de soi nous dit que le repos relève de l’auto complaisance, ce qui est aussi logique que d’affirmer que respirer serait faire preuve de faiblesse ou d’auto complaisance », évoquent les auteures. « Accorder à votre corps le repos dont il a besoin est un acte de résistance contre les forces qui tentent de piper les dés et de faire de vous une personne sans défense. C’est revendiquer la souveraineté sur votre propre vie ».

Sophie, bientôt 50 ans, connaît bien cette culpabilité latente. La secrétaire de direction, a mis deux ans à sortir la tête de l’eau. « Cela fait bizarre de devoir se faire plaisir, de prendre du temps pour soi, de ne rien faire. Mais j’y prends goût », confie cette maman de deux adolescents et divorcée sur le site du Journal du burn-out.

Comprendre comment on en est arrivé là

Monique Gogo est formelle : il faut clarifier les raisons de l’usure pour pouvoir rebondir. « C’est essentiel pour cerner les points sur lesquels nous devons travailler pour remonter la pente puis ne pas retomber dans la même spirale négative », observe-t-elle.

Qu’est-ce qui m’épuise ? Comment j’ai pu m’investir autant dans mon travail et pourquoi je n’arrive pas à dire non ? Qu’on aurais-je pu mettre en œuvre pour que cela n’arrive pas ? Qu’est-ce qui peut me donner confiance en moi ? Ce travail de retour sur soi se fait en compagnie d’un psychologue, d’un coach ou d’un thérapeute. « Les 3 approches diffèrent mais elles ont un point commun : pour que ça fonctionne, la patiente a besoin d’une relation de confiance. Il faut qu’elle puisse tout exprimer », note Monique Gogo.

Le médecin pose un diagnostic mais après ?

Les cercles de parole et groupes d’échanges peuvent être très porteurs. « Pour avancer, il a vraiment fallu que je comprenne ce qu’était le burnout. Le médecin pose un diagnostic mais après ? Grâce à l’association des Burnettes, j’ai pu m’informer, voir qu’il y avait des étapes, trouver un réseau de professionnels à contacter, poser mes questions et avoir toujours une réponse bienveillante. Et puis surtout voir qu’on s’en sortait ! »,  affirme la jeune Marion, qui sort doucement de son second burn-out.

Ce second effondrement lui a permis de comprendre qu’elle évoluait professionnellement à l’encontre de ses valeurs personnelles. « Je me suis retrouvée à exercer un métier que je n’avais pas choisi. Un métier socialement valorisant, sérieux et rassurant pour mes proches et avec un salaire confortable », témoigne-t-elle. « J’ai compris grâce à ce second burn-out l’importance que j’accordais à mon équilibre familial, équilibre qui ne devait plus être perturbé par la place que je donnais à mon travail ».

Faire la paix avec l’autocritique et le perfectionnisme

Une fois ce bilan effectué, les leviers d’action sont nombreux, à en croire Catherine Vasey : apprendre à décharger les tensions, diminuer les exigences personnelles, poser des limites, savoir demander de l’aide, avoir un bon réseau de soutien, protéger sa vie privée des soucis professionnels. Ces apprentissages demandent parfois un accompagnement.

« Sortir de la spirale infernale du burn-out consiste à apprendre à vivre en paix avec cette petite voix qui vous dit de ne pas vous reposer, qui vous dit que vous êtes en train d’échouer et vous fouette pour vous faire continuer », décrivent les auteures Emily et Amelia Nagoski.

Mieux vaut apprendre à connaître ce petit tyran intériorisé pour pouvoir négocier avec lui ! Ses armes : l’autocritique sévère et le perfectionnisme toxique. Votre arme principale : l’auto-compassion. Celle-ci permet de diminuer la production d’hormones du stress et d’améliorer l’humeur. « Des années de recherche ont confirmé que le pardon de soi est associé à un plus grand bien-être physique et mental. Le tout sans altérer votre motivation à accomplir les choses qui comptent pour vous », argumentent les sœurs Nagoski.

Une fois qu’on a renoncé au désir de satisfaire les normes extérieures, les forces reviennent. Émerge alors un nouveau challenge. « Il arrive que notre propre force nous effraie. En osant devenir plus puissante, on peut redouter le châtiment du monde. La vérité c’est que nous sommes nombreuses à craindre la puissance que nous pourrions avoir si nous n’épuisions plus notre énergie à gérer toute la douleur induite par l’autocritique », considèrent Emily et Amelia Nagoski.

En parallèle de ce cheminement, la patiente s’applique à bâtir un nouveau mode de vie, autour de ressources qui seront les piliers de son retour à l’activité. Séverine, par exemple, défend avec ferveur ses « béquilles » pour se reconstruire : psy, famille, nature, broderie, yoga, cohérence cardiaque, groupe de paroles.

Reprendre le chemin du travail : une thérapie !

Renouer avec la vie active ne se fait pas facilement. « Je demande généralement à ce que les patients reprennent en mi-temps thérapeutique. C’est un bon moyen de savoir où on en est et cette option existe dans la plupart des entreprises », explique Monique Gogo.

La situation est plus ardue si la personne travaille dans un contexte de harcèlement et que l’harceleur est toujours présent. « La personne toxique trouvera toujours des failles pour saboter la reprise du salarié qu’il a dans le collimateur ».

Le retour à l’emploi fait partie de la stratégie post burn-out mais il peut prendre la forme d’une formation, une reconversion, un changement d’entreprise. « L’essentiel est de passer en mode action », constate Monique Gogo qui recommande aussi le bilan de compétences pour reprendre confiance et ouvrir nos champs des possibles.

Je me laisse le temps d’essayer et de me tromper.

Pour sa part, Marion cherche encore son futur projet professionnel, en s’autorisant à tester des métiers : « J’enseigne auprès de lycéens, ce qui me permet de garder du temps pour prendre soin de moi, de retrouver petit à petit mes capacités intellectuelles, et de reprendre confiance en moi sans rechercher constamment la reconnaissance de ma hiérarchie. Je me laisse le temps d’essayer et de me tromper ».

Comment se protéger d’une rechute ? 

Règle numéro 1 : se tenir à toutes les activités ressources sur lesquelles on a travaillé pendant l’accompagnement.

« Vos activités sportives ou de relaxation, vos sorties en famille ou amicales doivent être régulières. Tout doit être consigné au planning pour éviter de passer à la corbeille au premier coup de pression« , insiste Monique Gogo.

La psychologue du travail invite aussi à rester attentive à certains signes d’alarme. Exemple : le mal de ventre inexpliqué, ou des pensées qui trahissent un dépassement de nos limites, comme « il faut que je tienne ».

« On prend sur soi pour tenir sur une courte durée, pour une échéance ponctuelle comme un salon professionnel, mais après l’événement il doit y avoir un retour à la normale », prévient la pro. « Si cela devient chronique, il faut reprendre vos ressources, du recul, des vacances. Et même penser à changer de poste ». »Organisez votre départ mais posez-vous aussi certaines questions », suggère Monique Gogo. « Gardez en tête que les ressources qui vous aident sont bien là, en vous. En réalité, on peut toujours changer, pas forcément uniquement de travail ».  

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