Comment expliquer le syndrome de l'accent étranger ?
- Une atteinte neurologique, point de départ privilégié
- Une réminiscence du passé ?
- Parfois, un cancer en embuscade
- Une origine psychiatrique possible
Parler du jour au lendemain sa langue maternelle avec des intonations étrangères n’est pas fréquent. Une centaine de cas seulement sont répertoriés dans le monde. Le premier officiellement reconnu remonte à 1907, lorsqu’un Parisien s’est mis à parler involontairement avec un fort accent alsacien après une hémorragie cérébrale.
D’autres cas célèbres ont défrayé la chronique, telle Astrid, une jeune Norvégienne qui a soudain développé un accent allemand après avoir reçu un éclat d’obus durant la seconde guerre mondiale. Ou encore l’Australienne Leanne Rowe, qui s’est réveillée avec un accent français après un accident de la route en 2013. Ces patient.e.s ne jouent absolument pas la comédie. Ils sont atteints d’un trouble étrange que les médecins appellent le « syndrome de l’accent étranger » ou « Foreign accent syndrom » (FAS) en anglais.
Une atteinte neurologique, point de départ privilégié
La majorité des personnes affectées n’adoptent en fait pas réellement un accent étranger. « Elles ne sont plus capables de prononcer leur langue avec la bonne intonation et accentuation des mots, constate le Dr Johan Verhoeven, chercheur en science du langage à l’université de Londres. Du coup, le rythme et la mélodie de leurs phrases suggèrent un accent différent de celui qu’elles avaient auparavant ».
Selon la fluidité verbale et le type de prononciation, leur altération du langage est interprétée par l’entourage comme un accent russe, chinois, allemand, français ou encore irlandais lorsque les « R » par exemple sont roulés en langue anglaise.
Ces anomalies d’élocution résultent la plupart du temps de la présence de lésions au niveau des aires du cerveau impliquées dans la production et l’expression du langage, dans le lobe fronto-pariétal de l’hémisphère gauche du cerveau. Ces dernières sont susceptibles d’apparaître après un traumatisme crânien, un accident vasculaire cérébral (AVC) ou une intervention chirurgicale, comme chez Laëtitia, qui a expliqué en 2019 lors de l’émission Les 12 coups de midi sur TF1 qu’elle parle avec un accent anglo-saxon depuis son opération des amygdales.
Une réminiscence du passé ?
Quelques neurologues, comme le Pr Michel Dib de l’hôpital La Pitié-Salpêtrière, auteur notamment de Auto-guérison physique, psychique, émotionnelle (éd. Josette Lyon), suggèrent qu’un choc traumatique au cerveau puisse également effacer la mémoire récente et réactiver la mémoire ancienne. Des souvenirs linguistiques du passé – une langue entendue durant l’enfance par exemple – referaient ainsi surface en modifiant l’accent avec lequel le patient s’exprime.
Quelle que soit son origine, le pseudo nouvel accent peut s’estomper spontanément après quelques mois ou quelques années. Mais dans certains cas, il s’incruste et devient chronique. Si la gêne s’avère importante – impression de perte d’identité ou moqueries incessantes -, une rééducation est envisageable. Des séances régulières d’orthophonie, éventuellement couplées à une thérapie cognitive et comportementale (TCC), donnent souvent de bons résultats.
Parfois, un cancer en embuscade
Dans de très rares cas, l’apparition d’un syndrome de l’accent étranger est consécutif au développement d’une tumeur cérébrale localisée dans les aires du langage. Des médecins de l’université d’Udine, en Italie, ont en effet publié une étude en 2011, sur une femme dont la tumeur au cerveau affectait l’activité du larynx, ce qui avait totalement transformé son débit verbal et sa façon de prononcer les voyelles.
Des tumeurs situées à distance du cerveau sont aussi capables de générer de telles répercutions lorsqu’elles émettent des métastases qui se nichent dans les aires motrices du langage.
Une étude américaine publiée en janvier 2023 dans la revue scientifique British Medical Journal Case Reports relate ainsi l’histoire d’un cinquantenaire atteint d’une forme rare de cancer de la prostate qui a adopté à la surprise générale un accent irlandais, sans avoir jamais mis les pieds dans ce pays. Son défaut d’élocution est resté inexpliqué… jusqu’au moment où des médecins de l’hôpital de Caroline du Nord ont décelé des métastases dans son cerveau. Les responsables étaient donc trouvés.
Une origine psychiatrique possible
Certaines personnes atteintes ne présentent cependant ni lésion cancéreuse ni dommages vasculaires dans le cerveau. Ces dernières souffrent en revanche fréquemment de maladies psychiatriques qui modifient de manière fugace ou pérenne leur diction. Leur trouble est alors qualifié de « syndrome de l’accent étranger psychogène ».
Les femmes de 25 à 50 ans souffrant de schizophrénie, de troubles bipolaires ou de dépression très sévère en seraient les principales victimes, sans que l’on sache encore pourquoi.
- Ce qu’il se passe dans le corps quand on fait un coma éthylique
- Fatigue mentale : voici pourquoi trop réfléchir épuise notre cerveau
Source: Lire L’Article Complet