Comment expliquer le port du masque aux enfants de primaire ?

Depuis lundi, le port du masque est obligatoire à l’école pour les enfants de 6 ans et plus. Une nouvelle mesure qui bouscule les habitudes de nombreuses familles et suscite parfois des inquiétudes. Pour nous éclairer la psychiatre Christine Barois et la psychologue Lise Baron, nous donnent quelques clés de compréhension.

Un nouvel accessoire a fait son entrée dans les cours des écoles primaires. Annoncé jeudi 29 octobre par Jean Castex, le masque est désormais obligatoire pour les enfants dès l’âge de 6 ans, pour prévenir l’évolution de la pandémie du coronavirus en France. Pour que cette nouvelle habitude se fasse en douceur pour les plus petits et dissipe les peurs des plus grands, ont fait le point avec Christine Barois, psychiatre à Paris, et Lise Baron, psychologue dans la ville de Jaunay-Marigny. 

ELLE. Comment expliquer à ce jeune public l’obligation du port du masque ? 

Lise Baron. Vers 7 ans, les enfants sont moins égocentrés. Ils commencent à penser à leurs copains, parents et grands-parents car ils accèdent à une compréhension plus fine et plus subtile de l’autre. Ça devient donc plus facile de les responsabiliser au port du masque. Tout passe par une communication constructive et pédagogique. C’est un âge où ils entendent tout et comprennent beaucoup de choses. C’est essentiel de prendre un temps pour discuter posément avec eux. Si cela n’a pas été fait, c’est bien de leur expliquer ce qu’est la crise sanitaire actuelle sans dramatiser, en utilisant des mots simples et compréhensibles pour ce jeune public. Il ne faut pas hésiter non plus à leur poser des questions et être à l’écoute d’éventuels inquiétudes.  

Christine Barois. On ne peut pas expliquer aux enfants les conséquences globales d’une pandémie. En revanche, cela fait plusieurs mois qu’ils voient les adultes porter un masque. Ils ont eu le temps d’apprivoiser ce nouveau geste du quotidien. Ce qui est important c’est de communiquer avec les enfants pour leur expliquer que désormais eux aussi doivent porter un masque. Il faut leur raconter que le virus circule beaucoup, qu’il n’est pas très dangereux pour leur santé mais qu’il peut l’être pour les personnes plus âgées. En insistant sur le fait que le masque est essentiel, non pas pour eux mais pour les autres, je trouve qu’ils se responsabilisent davantage. 

ELLE. Quels sont vos conseils pour aider les enfants à s’habituer au masque ?   

C. B. On peut présenter le masque comme un nouvel accessoire. Il faut dire à son enfant qu’on va aller le choisir avec lui pour lui donner une part de contrôle. Il convient de trouver un masque adapté au visage des enfants et de rendre le choix ludique. Il peut opter pour un masque coloré, on peut lui proposer de décorer son masque pour qu’il le personnalise. C’est important pour l’enfant de s’approprier son masque.  

L. B. Intégrer l’enfant dans le choix du masque est effectivement une astuce pour faciliter l’acceptation de cette nouvelle règle. On peut lui expliquer les différents choix qui s’offrent à lui : les masques en tissus sont parfois originaux mais ils sont plus épais, les masques chirurgicaux moins ludiques mais peut-être plus adaptés. C’est bien aussi de lui préciser le protocole du port du masque en lui expliquant qu’il ne faut pas trop le toucher, qu’un masque est personnel et qu’il ne se prête pas aux copains, lui montrer comment il faut l’enlever… Le tout, c’est que l’enfant se sente actif dans cette nouvelle règle de vie.  

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ELLE. Que faire si malgré ces astuces, notre enfant refuser de porter un masque ? 

L.B. Il faut questionner l’enfant pour identifier la raison de son refus. Il a peut-être du mal à respirer avec son masque, il n’est peut-être pas bien adapté à son visage… C’est l’enfant qui va nous donner la réponse et après, c’est aux parents de s’adapter. Si l’enfant explique que le masque lui tire derrière les oreilles, on peut trouver une solution en changeant les élastiques. Si c’est juste de la peur, on peut aller voir un médecin généraliste. Un professionnel de santé aura peut-être des mots plus rassurants. Si malgré tout cela, les angoisses persistent, il ne faut pas hésiter à consulter un ou une psychologue.  

C. B. Dès l’âge de 3 ans, les enfants apprennent à respecter des règles urbaines et civiques à l’école. À 6 ans, ils sont en âge d’écouter ce qu’on leur dit et de respecter des règles de vie en collectivité. Il faut leur faire comprendre que le port du masque fait partie de celles-ci. Ce n’est pas très agréable certes, mais il faut lui faire accepter l’idée qu’on n’a pas le choix en ce moment, que cette obligation concerne tout le monde et surtout, qu’elle n’a pas vocation à durer toute la vie. 

ELLE. De nombreux parents sont inquiets du port du masque pour leurs enfants. Est-ce qu’il peut être dangereux pour les plus jeunes ?  

C. B. Ces peurs résultent essentiellement des réseaux sociaux, sur lesquels des personnes qui ne sont pas forcément expertes donnent leur avis. Par exemple, les masques tiennent chauds mais c’est inexact de dire qu’ils étouffent. Si les masques étaient dangereux, des générations entières de chirurgiens seraient mortes. Il ne faut pas paniquer les Français avec de faux problèmes.  

L.B. Il faut aussi rappeler que dans d’autres pays, des populations entières ont adopté le masque dans leur quotidien depuis de nombreuses années. Je pense qu’il ne faut pas projeter nos peurs ou les difficultés qu’on a eu à accepter le masque au début de la pandémie, sur nos enfants. Ils sont encore dans une période d’apprentissage, ils s’adaptent beaucoup plus facilement que nous. 

ELLE. Le masque va tout de même avoir des conséquences sur l’apprentissage des enfants et leurs rapports aux autres ? 

C. B Le masque va bousculer l’apprentissage des langues puisque qu’avec le masque on perd l’expression du bas du visage de l’enseignant et des copains de classes. Mais de fait, on commence à mieux lire les expressions du regard, qui sont toutes aussi importantes. Il faut aussi se dire que nos visages ne vont pas être cachés indéfiniment par le masque, c’est temporaire. Pour les enfants qui auraient des difficultés à s’exprimer avec un masque, la consultation d’un orthophoniste peut aussi aider. Ils continuent à recevoir des patients, dans le respect des gestes barrières.  

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L. B. C’est aussi une question d’alliance entre les enseignants et les enfants. Ces derniers vont peut-être devoir se concentrer davantage car ils entendront moins bien et ne pourront pas lire sur les lèvres. Entre eux, les enfants interagissent beaucoup par des jeux, je ne suis pas sûre que le masque va avoir un impact important. Pour l’apprentissage ça passe plus par la compréhension de l’exercice Ça pourrait être intéressant d’interroger directement les enfants, car après tout, c’est une situation que nous n’avons jamais vécue.  

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