Cinq ans après #MeToo, en France, le chemin est encore long pour punir les agresseurs
C’est une des dates à cocher sur le calendrier des victoires féministes : il y a 5 ans, en octobre 2017, quelques jours après deux enquêtes explosives sur les agressions et les viols commis par le producteur de cinéma Harvey Weinstein, l’actrice américaine Alyssa Milano publie un message en utilisant le hashtag #MeToo, encourageant d’autres femmes victimes à témoigner sur Twitter.
Selon le pays balayé par #MeToo, on parle de vague, de raz-de-marée ou de tsunami. Cinq ans après, en France, c’est un anniversaire en demi teinte. Pourquoi ? Parce que la vague la plus puissante ne pourra jamais anéantir la misogynie profonde de notre société si ce combat n’est pas soutenu et partagé par le plus grand nombre.
Plus de témoignages mais pas de condamnations
Pour Christelle Taraud, historienne féministe qui a dirigé l’ouvrage ambitieux Féminicides. Une histoire mondiale (Éd. La Découverte), cette mobilisation mondiale des femmes reste porteuse d’espoir : « Le mouvement féministe aujourd’hui est beaucoup plus horizontal qu’auparavant. La circulation de la parole se fait au sein de sororités locales connectées ensemble via des réseaux sociaux. C’est planétaire et c’est très réconfortant parce qu’on peut faire transiter l’information très vite, constituer rapidement nous aussi des contre-ripostes à la riposte, mais on a compris qu’on allait jamais révolutionner le patriarcat, un système très ancré, et ou alors, cela mettra beaucoup plus de temps. »
Les chiffres et les statistiques, s’il le fallait, en apportent la preuve. « Ce n’est pas parce que les femmes ont parlé publiquement qu’il y a pour autant plus de condamnations, surtout quand elles dénoncent des hommes connus comme PPDA, Nicolas Hulot, ou Olivier Duhamel », déplore Isabelle Steyer, avocate, spécialiste du droit des femmes et des enfants.
Un constat partagé par Anne-Cécile Mailfert, présidente de la Fondation des Femmes, qui écrit dans une tribune dans le Journal du dimanche : « Avec 732 condamnations pour viol en 2020, un record historiquement bas est atteint. Les chiffres de la justice disent d’eux-mêmes l’insupportable impunité des auteurs de violences sexuelles. Alors que 94 000 femmes majeures sont victimes de viol pu de tentative de viol chaque année en France. #MeToo est un mouvement de victimes sans coupables. »
Les femmes parlent, portent plainte comme on ne cesse de les y encourager pour aboutir à 74% de classements sans suite, avec au final 10% des plaintes qui font l’objet d’un jugement et 6% d’une condamnation.
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Les agresseurs profitent encore d’une impunité
« Aujourd’hui, les combats à mener en priorité, analyse la psychiatre Muriel Salmona, sont le combat contre l’impunité et l’absence de protection des victimes. Non seulement on ne les soigne pas mais on leur reproche leur stratégie de survie. Nous voulons une commission indépendante pluridisciplinaire qui reprenne tous les classement sans suite, nous voulons des comptes sur la déqualification en agression sexuelle, et un arrêt de la loi Perben III de 2004 qui autorise le fait de correctionnaliser des viols. Si rien ne bouge, avec mon association Mémoire traumatique et victimologie, nous envisageons de porter plainte auprès de la cour pénale internationale contre l’État français ».
Le deuxième quinquennat d’Emmanuel Macron mettra-t-il vraiment l’égalité femmes hommes et donc la lutte contre les violences au coeur de sa politique ? On peut en douter quand son Garde des Sceaux, Eric Dupond-Moretti, agacé par le retrait d’Adrien Quatennens et de Julien Bayou (EELV/LFI) déclare : « Il est temps de siffler la fin de la récréation ».
Une expression qui ne passe pas. Maitre Isabelle Steyer, qui a été l’avocate de l’association la Voix de l’enfant lors du procès d’Outreau, tacle: « C’est Eric Dupond-Moretti qui a commencé la récré quand il a fait du procès d’Outreau le plus grand procès médiatique. Il a, entre autres, fait venir au JT de 20h, les mis en examen alors que les victimes, des mineures, ne pouvaient pas s’exprimer publiquement. La récré que je sache, ça se joue à partie égale ! ».
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