Chirurgie esthétique : faut-il dire ce que l'on a fait ?
Qu’on soit actrice, Première dame ou anonyme, la question se pose : faut-il dire ce qu’on a fait ? Tout dépend de l’intervention subie et de la personne à laquelle on s’adresse. Les conseils du Dr Aga en quatre points.
Y a-t-il des opérations plus « racontables » que d’autres ?
Il existe en effet une hiérarchie du politiquement correct chirurgical. Et elle est très bizarre. En fait, tout dépend de la zone du corps opérée et de l’âge qu’on a. Voici, d’après mon expérience, le classement des interventions les plus faciles à raconter :
Le recollage d’oreilles
Tout le monde s’en fout, à n’importe quel âge.
L’opération du nez
Plus elle est pratiquée jeune, plus les gens soupçonnent le pire (influence néfaste d’Instagram ou, pire, de la mère). Après 22-23 ans, la rhinoplastie est mieux acceptée, mais suscite des sourires entendus du genre : son joli nez, c’est de la triche. Et on n’a pas le droit de tricher. Sauf avec notre couleur de cheveux, notre maquillage, nos fringues flatteuses, ou nos talons. Là, c’est O.K. Mais l’harmonie d’un visage doit vous être donnée direct par le bon Dieu. Sans ça, il convient de vivre avec nos complexes jusqu’à la mort. Youpi.
La réfection des seins
Comme pour le nez, le sujet jeune est immédiatement suspecté d’être complexé par un entourage toxique. En revanche, une augmentation/diminution mammaire est bien acceptée après un accouchement. Comme une forme de « réparation » que la jeune mère aurait bien méritée (post-allaitement de préférence). Reviens, Simone de Beauvoir !
L’aspiration de graisse
La question ne se pose pas. Aucune Française ne parle de sa liposuccion, le mot et ce qu’il véhicule visuellement étant trop vilains. On parle donc de « petit régime » ou de « coaching sportif », et ça, c’est très bien accepté.
Le tirage de paupières
Si, passé l’âge de 45 ans, tout ce que vous confesserez avoir fait à votre corps sera retenu contre vous (la suspicion d’être une pauvre névrosée qui refuse le temps qui passe est immédiate), curieusement, la blépharoplastie est plutôt bien acceptée. Sans doute parce qu’elle est réputée être « une petite opération qui se contente de restaurer le regard tel qu’il était ». Traduisez, c’est à peine de la triche, donc c’est O.K.
Le lifting
Là, on change de braquet. Le lifting, c’est un peu l’Armageddon de la réprobation publique. C’est très étrange, car là aussi il s’agit de rafraîchir un visage tel qu’il était il y a cinq à dix ans. Mais si les yeux, ça passe, l’ovale, ça ne passe pas. Pourquoi ? Parce que les gens veulent des vieilles qui aient l’air vieilles, avec des visages qui, chaque jour, ressemblent un peu plus à des genoux. Pourquoi ? Parce que les gens sont fous, pardi. Alors que Dieu sait ce qu’il faut de courage pour entrer dans une salle d’opération où l’on va vous découper la peau du cou jusqu’aux tempes pour vous l’agrafer trois centimètres derrière. Le lifting, c’est pas pour les mauviettes, mais, au lieu de féliciter celles qui ont le cran d’y aller, on se moque d’elles. La plupart des femmes, acculées à l’aveu, s’en sortent le plus souvent en disant qu’elles ont fait un « demi-lifting ». « Faute » à moitié avouée, donc à moitié pardonnée ?
Faut-il le dire avant, et à qui ?
Déjà, jamais à son tout premier cercle, c’est sûr. Personne n’aime moins le changement qu’une famille. Les conjoints sont généralement contre (épouvantés de devoir y passer à leur tour ?), les enfants sont encore plus radicalement contre (en 2019, il est plus facile de dire à son ado qu’on veut changer de sexe que de lui avouer qu’on a changé de seins), et le reste de la famille oscille entre ambiguïté (ascendants vexés d’être suspectés d’avoir « mal fabriqué » le produit) et jalousie (frères et soeurs qui, eux, se coltinent toujours le fier naseau Bourbon de la lignée). À vos amies non plus, ne dites rien : personne n’aime plus raconter des histoires sordides d’opérations ratées qu’un groupe de copines. À vos collègues encore moins : par politesse, ils vous dissuaderont tous, et ils auront raison, car imaginez qu’ils vous disent « bonne idée, cette lipo, tu nous fais de la peine avec ton gros uc ! ». En fait, les seules personnes avec qui vous pouvez en parler avant sont des chirurgiens esthétiques. Deux au minimum, trois si possible. Mais pas plus. D’expérience, à plus de trois devis, les fils se touchent (humour), on n’a plus du tout envie d’y aller.
« Quand les filles utilisent des filtres qui leur font des têtes de chaton, personne ne moufte, mais avec le botox, elles prennent super cher. »
Le cas particulier de la médecine esthétique
La médecine esthétique a ceci d’étonnant que, bien que non invasive, elle se « voit » souvent plus que la chirurgie. Bah si. Les grosses bouches, les fronts figés, ce sont des injections, pas du scalpel, les amies. Certes, on croise beaucoup moins de visages étranges qu’il y a dix à quinze ans, mais parfois, face à l’évidence, nier qu’on a fait « quelque chose » est contre-productif. Problème : comment savoir si le changement est flagrant, sachant que nous sommes les pires pour juger de notre propre physique (les minces se voient énormes, les lisses fripées, etc.) ? Le meilleur moyen de conclure que le « geste », comme disent pudiquement les médecins, est réussi est de regarder la tête des autres, pas la vôtre. Si les gens vous observent en arrondissant la bouche ou s’approchent brusquement en rétrécissant les yeux, bah, va peut-être falloir lâcher une info ou deux. (N.B. : l’explication « j’ai eu une réaction allergique à deux piqûres d’abeille, une sur chaque pommette, bien symétriques, c’est dingue, non ? » ne marche plus depuis 1994.)
Si ça ne se voit pas, on en parle ou pas ?
Compte tenu des progrès de la discipline, 9,9 fois sur 10, c’est bien fait. Donc on ne vous dira pas : « Ma parole, tu as subi une blépharoplastie, ma cocotte ? » mais plutôt : « Tu as l’air reposée, tu es toute belle ! » Là, deux options sont possibles. Fermer sa bouche ou dire la vérité. En défenseure farouche de ma liberté à faire exactement ce que je veux avec mon corps, je serais plutôt du genre à tout revendiquer, en mode « Si j’ai envie de me faire greffer une paire de gonades sur le front, qui ça gêne ? Je veux dire, à part le propriétaire desdites gonades ? ». Clamer son droit à la chirurgie esthétique a de la gueule, certes, mais ça a aussi un prix. Sur les réseaux sociaux, tant que les filles utilisent des filtres qui leur font des têtes de chaton japonais, personne ne moufte, mais si elles racontent avoir fait du Botox, elles prennent super cher. Pourtant, d’expérience, le pire, ce ne sont pas les critiques de rageux (qui, en fait, sont mort.e.s de trouille), mais plutôt le fait qu’on vous en parle sans arrêt. Depuis que j’ai confessé les deux-trois bricoles qui ont pu émailler mon parcours beauté (lol), je vois bien que ça fascine mes collègues. Il y a ce mélange attraction-répulsion, un peu comme ces gens qui tendent le bras vers le « Voici » dans la salle d’attente du dentiste et le reposent comme si c’était « Valeurs actuelles » dès que quelqu’un les voit. Et tant de questions : entre les prises de coordonnées de chirurgiens (dans le meilleur des cas), les demandes de photos avant-après, voire, pour les plus trash, les vérifications des cicatrices derrière les oreilles, j’ai l’impression de faire du bénévolat à mi-temps pour payer le loyer de mon toubib avenue Montaigne. Donc mon conseil, à moins d’être une croisée de la chirurgie esthétique, c’est quand même d’avancer tête haute… mais profil bas.
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