"C’est la honte" : retour sur la cérémonie tendue des César 2020
Vendredi 28 février 2020 a eu lieu la 45e cérémonie des César. Une soirée sous haute tension, où Roman Polanski a été désigné Meilleur réalisateur. En réaction, Adèle Haenel a quitté la salle. "Les Misérables" s’est distingué avec 4 César. Retour sur les moments forts, et le palmarès.
La soirée promettait d’être électrique. Elle le fut. Les César 2020 se sont tenus le vendredi 28 février, à la Salle Pleyel, à Paris. Cette 45e cérémonie des César était marquée par les 12 nominations du film J’accuse de Roman Polanski, alors que le réalisateur est accusé de viol par douze femmes, dont dix quand elles étaient mineures. La veille, il avait finalement annoncé, dans un communiqué agacé, renoncer à se rendre aux César, et son équipe lui a emboîté le pas quelques heures plus tard.
La cérémonie n’avait même pas commencé que des dizaines de militantes féministes se tenaient aux abords de la salle avec des fumigènes, pour essayer d’en empêcher la tenue, en protestation des 12 nominations de Polanski. Deux d’entre elles ont été arrêtées, mais leurs rangs n’ont fait que grossir tout au long de la soirée. Le terme « Violanski » était présent sur de nombreuses pancartes.
"Les Misérables" en tête du palmarès
Les Misérables était le deuxième film le plus nommé aux César 2020, ex-aequo avec La Belle époque de Nicolas Bedos. Ce film fort et prenant, montrant une banlieue à cran entre misère, trafic, arrangements douteux et violences policières est finalement reparti avec quatre prix : Meilleur film, le plus prestigieux, Meilleur espoir masculin pour Alexis Manenti, Meilleur montage et César du public.
Nous vivons dans un pays blessé et c’est la pauvreté qui nous divise.
Sur scène, le réalisateur Ladj Ly a livré un discours inspirant : « Je suis très ému. Les Misérables, ce ne sont pas que les habitants de cité. Quelle est la morale de ce film ? Nous vivons dans un pays blessé et c’est la pauvreté qui nous divise. La France est notre pays, faisons-en un grand pays. L’ennemi c’est la misère. »
Par ailleurs, Les Misérables avait représenté la France pour l’Oscar du Meilleur film étranger.
Polanski l’emporte, Adèle Haenel quitte la salle
Roman Polanski a remporté le César du Meilleur réalisateur pour J’Accuse, ce qui a poussé Adèle Haenel, fervente militante contre les violences sexuelles faites aux femmes, à quitter la salle, en criant « C’est la honte ! » La réalisatrice Céline Sciamma, aux côtés de laquelle elle était présente pour défendre Portrait de la jeune fille en feu, et l’actrice Noémie Merlant, avec qui elle partage l’affiche, l’ont suivie.
Quelques autres personnes ont également quitté la salle Pleyel, et quelques cris indignés ont pu être entendus. Dans les coulisses, Adèle Haenel a pu être filmée criant « Bravo la pédophilie » en frappant dans ses mains.
C’est la honte
Le geste d’Adèle Haenel, puissante et en colère, a été largement relayé sur les réseaux sociaux en fin de soirée, et durant la nuit, bien au-delà de la France. C’est dans le New York Times que, quelques jours avant les César, l’actrice s’était indignée des douze nominations de Polanski : « Récompenser Polanski, ce serait cracher au visage de toutes les victimes de viol », avait-elle affirmé. Des termes repris par de nombreux internautes une fois le César du Meilleur réalisateur donné au réalisateur polonais.
Adèle Haenel avait également ajouté que médiatiquement, « la France a loupé le coche » du mouvement #MeToo. Ces César 2020 n’a offert « que » le Prix de la meilleure Photographie à Portrait de la jeune fille en feu. Cefilm sublime, délicat et fort sur une histoire d’amour entre deux femmes, était pourtant nommé dans dix catégories, et a obtenu le Golden Globe du Meilleur film étranger. Cette très petite victoire, en-deçà de ce qui était espéré pour le film de Sciamma, et le sacre de Polanski, ont à nouveau prouvé que le cinéma français n’a rien compris à #MeToo.
L’année 2019 a été décisive pour l’actrice de 31 ans, déjà récompensée de deux César. Dans une enquête publiée par Mediapart publiée en novembre dernier, elle a révélé avoir été abusée sexuellement entre ses 12 à 15 ans par le réalisateur Christophe Ruggia, avec lequel elle avait tourné son premier film. Elle a fini par porter plainte, et l’homme, qui nie tout, a été mis en examen.
J’accuse a également remporté les César du Meilleur scénario adapté et des Meilleurs costumes.
Anaïs Demoustier Meilleure actrice et Roschdy Zem Meilleur acteur
Face à Adèle Haenel, vue comme grande favorite, et sa co-tête d’affiche Noémie Merlant, c’est finalement Anaïs Demoustier qui a été sacrée Meilleure actrice pour son rôle de coach politique dans Alice et le maire, dont elle partageait l’affiche avec Fabrice Luchini. Il s’agit du premier César de l’actrice de 32 ans.
« Ce César, il a une saveur particulière, je le partage avec toutes les femmes. La parole s’est libérée sur plusieurs sujets et c’est très important », a déclaré la comédienne sur scène.
Roschdy Zem a quant à lui remporté le César du Meilleur acteur pour son rôle dans Roubaix, une lumière, drame inspiré d’un fait réel, où il joue le directeur du commissariat de Roubaix aux côtés de Lea Seydoux.
« Je fais un métier qui me permet de vivre une expérience exceptionnelle, extraordinaire, captivante. Donc je voudrais dire à tous ces metteurs en scène qu’ils ont toute ma gratitude, tout mon respect », a déclaré l’acteur de 54 ans, très ému. « Meilleur acteur, certainement pas. Meilleur rôle, [oui], franchement. […] Je voudrais aussi dire à tous ceux qui ont le sentiment, dans la vie, parfois, de partir d’un peu trop loin, que ce qui est important, ce n’est pas de courir vite, dans l’espoir de rattraper ceux qui sont devant, mais de courir plus longtemps. »
Il s’agit également de son premier César, qu’il a dédié à ses parents.
Florence Foresti, présentatrice entre deux eaux
« J’ai bien choisi mon année pour revenir, moi », a plaisanté Florence Foresti durant son discours d’ouverture de la 45e cérémonie des César. Quatre ans après sa première expérience en tant qu’hôte de la soirée, l’humoriste a tenté de concilier l’impératif de remplir son rôle de présentatrice devant être drôle, à son indignation face aux douze nominations de Polanski.
« Je ne dirais pas que je suis heureuse d’être là, mais plutôt courageuse », a-t-elle plaisanté. « Vous allez pas me laisser seule, hein ? », a-t-elle également demandé à l’assistance, réceptive à ses plaisanteries.
L’humoriste avait tenu à préciser qu’elle avait accepter d’animer la soirée « des mois » avant que les nommés soient connus. À la fin de son discours, Florence Foresti a fait applaudir tous les films en lice, sauf J’accuse.
Mais à la fin de la soirée, Florence Foresti n’était plus d’humeur à plaisanter. Après la victoire de Polanski, l’animatrice s’est fendue de ce message, en story Instagram : « Écoeurée », sur fond noir. Elle n’est pas remontée sur scène pour clore la soirée, ni pour participer à la traditionnelle photographie de groupe des vainqueurs.
Le palmarès complet des César 2020
Meilleur film : Les Misérables de Ladj Ly
Meilleure réalisation : Roman Polanski pour J’accuse
Meilleure actrice : Anaïs Demoustier dans Alice et le maire
Meilleur acteur : Roschdy Zem dans Roubaix, une lumière
Meilleur espoir féminin : Lyna Khoudri dans Papicha
Meilleur espoir masculin : Alexis Manenti pour Les Misérables
Meilleure actrice dans un second rôle : Fanny Ardant dans La Belle époque
Meilleur acteur dans un second rôle : Swann Arlaud dans Grâce à Dieu
Meilleur premier film : Papicha de Mounia Meddour
César du public : Les Misérables de Ladj Ly
Meilleur film étranger : Parasite de Bong Joon-ho
Meilleur scénario original : Nicolas Bedos pour La Belle époque
Meilleure adaptation : Roman Polanski et Robert Harris pour J’accuse
Meilleure musique originale : Dan Lévy pour J’ai perdu mon corps
Meilleur montage : Flora Volpelière pour Les Misérables
Meilleur film d’animation : J’ai perdu mon corps de Jérémy Clapin
Meilleur documentaire : M de Yolande Zauberman
Meilleur son : Nicolas Cantin, Thomas Desjonquères, Raphaël Mouterde, Olivier Goinard et Randy Thom pour Le Chant du loup
Meilleure photo : Claire Mathlon pour Portrait de la jeune fille en feu
Meilleurs costumes : Pascaline Chavanne pour J’accuse
Meilleurs décors : Stéphane Rozenbaum pour La Belle époque
Meilleur film de court-métrage : Pile Poil de Lauriane Escaffre et Yvonnick Muller
Meilleur court-métrage d’animation : La Nuit des sacs plastiques de Jérémy Clapin
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