Cancer : un mois de retard dans le traitement peut accroître de 6 à 13% le risque de mortalité

À côté des victimes de la Covid-19, il y a les victimes collatérales de l’épidémie. Parmi elles, se trouvent les malades atteints d’un cancer qui ont vu leurs opérations reprogrammées, ceux qui ont pris du retard dans leur traitement ou dans leur diagnostic.

Ces derniers ont déjà subi un bouleversement dans leur protocole de soins lors de la première vague de coronavirus. Avec la recrudescence de l’épidémie en Europe et le reconfinement, la deuxième vague est aussi en train de s’abattre sur eux. 

Des chercheurs britanniques se sont donc penchés sur les conséquences des retards de traitements pour sept types de cancer et ont révélé ce mercredi 4 novembre 2020 dans la revue BMJ, qu’un retard d’un mois dans la prise en charge de la maladie, entraînerait une augmentation des risques de décès de 6 à 13%. 

Plus le retard est long, plus le risque de mortalité s’accroit

Selon les chercheurs britanniques et canadiens à l’origine de l’étude, un retard de quatre semaines pour une chirurgie augmente le risque de mortalité de 6 à 8%.

Le risque d’un tel délai monte à 9% pour une radiothérapie d’un cancer de la tête et du cou, et jusqu’à 13% dans certaines situations, comme le traitement adjuvant (qui complète le traitement principal pour prévenir un risque de récidive) des cancers colorectaux.

Si ce retard passe à huit ou douze semaines, pour une chirurgie du cancer du sein le risque de mortalité croît respectivement de 17% et 26%, selon leurs estimations.

Ainsi, décaler de 12 semaines l’opération de toutes les femmes atteintes d’un cancer nécessitant une chirurgie, se traduirait par 6100 décès supplémentaires en une année aux Etats-Unis et 1 400 au Royaume-Uni.

30 000 cancers non détectés en France ? 

En France, la sonnette d’alarme sur les pertes de chance qui pourraient être liées à la crise sanitaire a été tirée par la Ligue contre le cancer en mai.

Elle a notamment pointé la baisse des dépistages, estimée à 30% pendant le premier confinement, qui pourrait se traduire par une augmentation de la mortalité par cancer entre 2 et 5% d’ici à 5 ans.

Pour le président de l’association, Axel Khan, le nombre de cancers non détectés en France serait de 30 000 en raison de l’épidémie, expliquait-il le 26 octobre à France Info.

Une étude parue en juillet dans The Lancet Oncology avait estimé que les retards de diagnostic au Royaume-Uni depuis la mi-mars se traduiraient par environ 3 500 décès supplémentaires pour quatre types de cancers d’ici à cinq ans dans ce pays.

Un autre article publié en août dans JAMA Network Open avait quant à lui montré que le nombre de cancers diagnostiqués chaque semaine aux États-Unis avait chuté de près de 50 % en mars et avril.

La crainte d’un retard « jamais rattrapé »

Les chercheurs britanniques et américains estiment que leurs résultats doivent « inviter à la réflexion, alors que le nombre de déprogrammation d’opérations jugées non urgentes ne cesse d’augmenter afin de libérer des lits pour accueillir les malades de la Covid-19 ».

Si les dépistages systématiques ont retrouvé un taux habituel en juillet, Axel Khan, exprimait son inquiétude sur le fait que le retard accumulé dans la prise en charge des patients ne soit « jamais rattrapé, voire augmente » avec la deuxième vague. Il faisait notamment le constat alarmant que « des opérations qui n’étaient pas urgentes à l’époque n’ont pas toutes été reprogrammées pour l’instant » et ne seront probablement pas reprogrammées avant longtemps avec le reconfinement.

En effet, de nombreux témoignages, regroupés sur le site du magazine Rose-up, attestent des conséquences des reprogrammations à la chaîne. Ainsi peut-on y lire le récit de Florence, médecin hospitalier mais également patiente, qui s’insurge de l’annulation de sa mastectomie pour la seconde fois : « J’ai reçu un appel qui m’apprenait, sans préciser aucune raison, l’annulation de l’opération. Comme s’il s’agissait d’une chirurgie de « confort ». Mais, sérieusement, qui croit que quelqu’un subisse une amputation des seins par « confort » ? »

Aucune explication quant aux raisons qui motivent cette annulation : manque de personnel dans les services, anesthésistes employés dans les services de réanimation, préservation des lits de soins intensifs chirurgicaux ? La situation paraît d’autant plus absurde que ces opérations vont s’ajouter, ensuite, à l’ensemble des opérations déjà déprogrammées qu’il faudra rattraper : « Je l’ai bien vu, dans mon propre service où tout a été à l’arrêt au printemps dernier : on s’est retrouvés, à la rentrée, submergé par l’afflux de patients à prendre en charge. Pour un certain nombre, l’absence de soin à été très préjudiciable et ne pourra pas être rattrapé », note la jeune femme.

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