Biscottes, sons et dessins… Les archives du confinement déjà collectées

  • De nombreuses collectes d’archives ont été lancées partout en France pour collecter la mémoire du confinement.
  • « Les gens nous remercient de leur offrir une porte de sortie », témoigne Emilie Girard, directrice scientifique du Mucem, à Marseille, qui est à l’origine d’une de ces collectes.

Qu’allez-vous faire de ce magnifique escargot en pâte à sel fabriqué par vos enfants ? Si le confinement vous donne des envies de grand tri de printemps, vous pouvez tenter de vous délester auprès du Mucem. Le musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée, à
Marseille, a lancé cette semaine un appel au don. « On a eu une proposition de
visière fabriquée à l’imprimante 3D, une orchidée qui a refleuri pendant le confinement ou un paquet de biscottes envoyé par un homme qui nourrit les oiseaux », illustre Emilie Girard, directrice scientifique du Mucem.

Le musée marseillais collecte (jusqu’au 31 mai) les photos de ces objets « qui sont devenus indispensables dans nos vies confinées, traduisant les formidables solidarités qui se mettent en place ou au contraire les mouvements de rejet et de peur. » Une quinzaine de propositions sont déjà arrivées, dont une depuis Dubaï.

Les objets sans doute intégrés à une expo sur le Sida

« Nous allons ensuite les analyser, peut-être avec l’aide de chercheurs extérieurs. Ils sont nombreux à travailler sur cette question », esquisse Emilie Girard. Les objets choisis rejoindront le fonds du Mucem et seront sans doute exploités lors d’une exposition sur le sida prévue pour la fin d’année 2021. « Je ne vois pas comment on pourrait parler de cette pandémie sans la replacer dans le contexte de celle que nous vivons aujourd’hui », conclut la directrice scientifique, satisfaite des premiers retours des témoins : « Leurs propositions sont touchantes car ils nous racontent leurs vies… Et ils nous remercient de leur offrir une porte de sortie ! »

Un musée virtuel du confinement est également en cours de préparation. Yves Rozenholc, professeur en sciences des données à l’université de Paris, planche avec des collègues de Sorbonne Paris Nord sur un projet de base de données participative. « C’est la première pandémie de l’ère numérique, donc on a un corpus électronique sans précédent », s’enthousiasme le chercheur, en nous présentant une série de diapositives. Ce futur musée virtuel devra « raconter aux plus jeunes ce qu’il s’est passé, aider les familles qui auraient perdu un proche, expliquer la situation aux enfants confinés. » Et il sera, bien sûr, un « outil analytique » pour les chercheurs.

Yves Rozenholc, qui rêve d’un « projet duplicable à l’étranger », est en train d’établir un plan de financement et espère pouvoir bientôt recruter des ingénieurs et des programmeurs pour bâtir la structure de la base de données. Elle pourrait être accessible dans plusieurs mois. D’ici là, cet enseignant-chercheur « demande aux gens de stocker ces traces numériques chez eux. »

« Les gens éprouvent le besoin de témoigner »

Certains Français les ont d’ores et déjà confiées à leurs archives départementales : François Petrazoller, chef de service des archives des Vosges, a constaté que « les gens éprouvent le besoin de témoigner. » Au troisième jour du confinement, il a lancé une collecte locale – il a depuis été imité par de nombreuses archives départementales et municipales.

François Petrazoller a reçu des « témoignages poignants » de personnes dont les conjoints continuaient à travailler dans les entreprises textiles mobilisées pour fabriquer des masques. « Les gens étaient angoissés pour la santé de leurs conjoints, pour l’équilibre de la famille », s’émeut le conservateur du patrimoine.

Quels sont les sons du confinement ?

Ces émotions serviront de matière à la création pour l’artiste sonore Babette Largo, qui a rejoint, depuis les archives des Yvelines, cette initiative « Mémoire de confinement ». Babette Largo lance une collecte de témoignages audios et vidéos pour créer « une bande-son du confinement. » Elle s’interroge : « Comment ça se passe, chez les gens, à 20 heures ? Quels sons produisent-ils pendant la journée ? La télé est-elle plus présente ? Ou c’est le silence qui domine ? »

Elle a, pour l’instant, surtout reçu des bruits de clavier d’ordinateur. Ce confinement nous rendrait-il ultra productifs ?

Comment donner ses archives ?

Pour participer à la collecte du Mucem, vous pouvez envoyer une proposition d’objet par mail à l’adresse [email protected]. Il faut envoyer une ou plusieurs photos, si possible dans le contexte d’utilisation ou de fabrication de l’objet, et un témoignage en quelques lignes. La collecte sera clôturée le 31 mai.

Babette Largo recherche des témoignages sonores ou vidéos, à envoyer à l’adresse [email protected]. Les collectes par département sont référencées sur le site de France Archives. Enfin, le site d’Yves Rozenholc sera en ligne dans quelques mois.

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