"Bas les Masques", ces couturières professionnelles qui ne veulent plus fabriquer des masques bénévolement
Au début du confinement, des couturières et costumières professionnelles se sont mobilisées pour confectionner gratuitement des masques pour les soignants et particuliers. Désormais, certaines veulent être rémunérées pour leur savoir-faire, et se regroupent dans le collectif "Bas les Masques".
« On m’a reproché de vouloir profiter de la situation pour me faire de l’argent… », déplore Joséphine, costumière au chômage, résidant à Lyon, et témoignant auprès de 20 Minutes. Joséphine a rejoint le collectif Bas les Masques, regroupant couturières et costumières fabriquant des masques ou blouses pour soignants et particuliers, afin de les protéger de la pandémie de Covid-19, et qui veulent désormais être rémunérées pour leur travail.
Un collectif et une pétition
Une pétition a également été lancée en ligne. « Alors que nous sommes nombreux(ses) à être sans travail, souvent sans aides ou revenus, nous avons passé des centaines d’heures à travailler gratuitement en puisant dans nos stocks ou achetant de la matière première à nos frais afin de répondre aux appels d’aides des centres de soins et des soignants », mentionne le texte d’introduction.
Au début du confinement, ces professionnelles du monde du textile et de la couture se sont mobilisées bénévolement pour pallier à la pénurie de masques. « Spontanément, nous avons retroussé nos manches pour aider, car on avait bien compris qu’il y avait une urgence. Le fait que les soignants, infirmiers, médecins ne disposaient pas de masques nous a outrées », raconte Christie, costumière de 48 ans à Paris, à 20 Minutes.
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Un bénévolat qui ne peut plus être justifié à ce jour
Mais voyant leur production ne pas ralentir, voire, augmenter, au bout de plusieurs semaines de confinement, certaines ont commencé à s’indigner de toujours travailler gratuitement. Il n’est, selon elles, plus question de solidarité à petite échelle. Leur situation est d’autant plus problématique que nombre d’entre elles sont au chômage technique.
Le mouvement a dépassé de loin le bénévolat. Il est en train de remplacer une industrie qui devrait être prise en charge par le gouvernement
Elles estiment qu’à cette heure, la situation des masques et blouses aurait dû être réglée par les autorités, alors que la date du déconfinement, le 11 mai, approche, et que le gouvernement a promis des masques pour tous. « Aujourd’hui, le mouvement a dépassé de loin le bénévolat. Il est en train de remplacer une industrie qui devrait être prise en charge par le gouvernement », dénonce Jackie Tadeoni, costumière freelance à Paris.
Si ces professionnelles réclament qu’on respecte leurs droits, certains y voient une forme d’indécence, disant que la « solidarité » doit primer. « Pourquoi globalement, exige-t-on de nous de travailler gratuitement alors que nos métiers ont un savoir-faire indispensable en ce moment ?, demande Joséphine. C’est comme si on exigeait d’un boulanger de ne pas faire payer son pain aux clients. Ou aux agriculteurs de nourrir gratuitement la population. Cela ne viendrait à l’esprit de personne. »
Des métiers qui méritent rémunération
La costumière ajoute : « Au final, cela équivaut à considérer nos métiers, qui demandent pourtant une énergie terrible, comme des tâches domestiques. » Une vision sexiste concernant beaucoup de métiers du « care », du soin à l’autre ou de service, à majorité occupés par des femmes : infirmières, caissières, aides-soignantes, agentes d’entretien, ou encore, aides-maternelles.
Avec la pandémie de Covid-19, ces professions se sont retrouvées en première ligne de la maladie, et la manque de considération qui leur est accordé d’ordinaire, pourtant dénoncé depuis longtemps par les intéressées, a éclaté au grand jour. Des métiers méprisés et sous-rémunérés car vus comme sous-qualifiés, puisque les femmes posséderaient « naturellement » (sic) les dispositions (douceur, patience, faculté à accomplir des tâches domestiques,…) nécessaires à exercer ces professions tournées vers l’autre.
Ainsi, le collectif Bas les Masques réclame que le gouvernement prenne la situation en main, et « réquisitionne des ateliers et les usines des grands groupes de fabrication textile, les fonctionnaires qui travaillent dans les ateliers des Opéras et des théâtres nationaux », mais aussi, qu’il « passe commande (auprès des usines locales) et achète les masques », résume Jackie auprès de 20 Minutes.
Nous espérons que notre gouvernement sera attentif à nos qualités et notre engagement et pourra ainsi faire valoir nos droits et revaloriser notre activité.
« Le mouvement solidaire et bénévole s’est installé à une vitesse fulgurante visant à pallier les manquements gouvernementaux mais cela a pour conséquence le dénigrement de toute une profession faisant partie de l’identité et du savoir-faire français, prévient la pétition de Bas les Masques. « Nous espérons que notre gouvernement sera attentif à nos qualités et notre engagement et pourra ainsi faire valoir nos droits et revaloriser notre activité. »
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