Avoir 20 ans là où on ne peut pas avorter

  • Sofi, 22 ans, Argentine : "Nous avons besoin d’un avortement gratuit, légal et sécurisé"
  • Daria, 23 ans, Pologne : "Je déménage bientôt en France. Ça me rassure"
  • Anna, 29 ans, Malte : "Je suppose que l’on fait toujours de son mieux pour éviter l’avortement"
  • Natalia, 23 ans, Chili : "J’estime que c’est mon corps, donc c’est ma décision"
  • Claire, 26 ans, Irlande : "Je me sentais extrêmement seule"

Leurs témoignages résonnent encore aujourd’hui, alors que la Cour Suprême des États-Unis a abrogé l’arrêt Roe v. Wade, remettant en cause le droit et l’accès à l’avortement pour les femmes américaines. En 2018, cinq vingtenaires qui vivaient dans des pays où l’avortement était illégal, s’étaient confiées à nos journalistes. 

Depuis, l’Irlande (2018), l’Argentine (2020) et le Chili (2022, seulement en cas de danger pour la vie de la mère, de l’enfant ou de viol) ont légalisé l’IVG. Réécoutons-les.

Sofi, 22 ans, Argentine : « Nous avons besoin d’un avortement gratuit, légal et sécurisé »

« Même si elle va bientôt changer, je suis révoltée contre la loi actuelle. Je veux pouvoir choisir le moment où j’aurai un enfant, notamment si mon moyen de contraception ne fonctionne pas. Ma meilleure amie est tombée enceinte alors qu’elle était sous pilule ! Et certaines filles de mon âge n’ont même pas les moyens de s’en procurer !

C’est très frustrant de devoir vivre avec cette peur de tomber enceinte alors que les hommes peuvent avoir des relations sexuelles sans être inquiétés. Il y a aussi des filles qui tombent enceintes, parce qu’elles se sont faites violer ou parce que leur copain refuse d’utiliser des préservatifs. On est bête, on est amoureuse, alors on accepte. Du coup, elles ont des enfants à 15, 18 ans ! Nous avons besoin d’un avortement gratuit, légal et sécurisé ! »

Daria, 23 ans, Pologne : « Je déménage bientôt en France. Ça me rassure »

« Je vis entre la Pologne et l’Irlande, et j’imagine toujours ce qui se passerait si ma contraception ne fonctionnait pas et que je me retrouvais enceinte. Ce serait une situation très difficile à gérer, et si je voulais avorter, je devrais voyager dans un autre pays, en Allemagne, en Slovaquie, ou en Angleterre.

Pour obtenir la pilule du lendemain, il faut obligatoirement avoir une ordonnance du médecin. Et puis, la pilule du lendemain coûte 35 euros, soit deux jours de travail à temps plein.

Mon petit-ami est totalement contre l’avortement, je ne pourrais pas lui en parler ou lui demander son soutien. Je déménage bientôt en France. Ça me rassure de savoir que, là-bas, l’avortement est légal. »

Anna, 29 ans, Malte : « Je suppose que l’on fait toujours de son mieux pour éviter l’avortement »

« Je n’ai jamais eu recours à l’avortement. Mais je suis totalement favorable à ce que les femmes aient un accès sécure à ce droit à Malte, dans leur pays. Malheureusement, la plupart des hommes et des femmes ici s’y opposent.

Pendant mes rapports, je fais davantage attention en sachant que je n’ai pas de roue de secours ensuite. Mais je suppose que l’on fait toujours de son mieux pour éviter l’avortement. Si je tombais enceinte sans le vouloir, je pense que j’irais dans un autre pays pour me faire avorter.

Je crois que ça me ferait peur. Mais personne ne pourrait m’en empêcher. »

Le prénom a été changé, ndlr

Natalia, 23 ans, Chili : « J’estime que c’est mon corps, donc c’est ma décision »

« Au Chili, on a le droit d’avorter depuis l’été dernier, mais seulement à trois conditions : si on se fait violer, si la grossesse nous met en danger ou si le bébé n’est pas viable. Certes, c’est une avancée, mais ça reste insuffisant et injuste !

Ce sont encore des hommes* qui décident ce qu’on peut faire ou non de notre corps. Ils n’ont aucune idée de ce que c’est que d’être une femme. J’estime que c’est mon corps, donc c’est ma décision. Je refuse d’ailleurs que cette loi ait un impact sur la manière dont je gère ma vie privée.

J’estime avoir une grande liberté corporelle, sexuelle, et si un jour, je dois prendre la décision d’avorter, je la prendrai et j’irai en Argentine, par exemple, où cela va être légalisé. »
*Le Parlement est quasi intégralement composé d’hommes.

Claire, 26 ans, Irlande : « Je me sentais extrêmement seule »

« Quand j’ai vu que mon test de grossesse était positif, j’étais dans le déni. On venait de me poser cinq mois plus tôt un stérilet. J’ai ressenti de la dévastation, de la colère, et du désespoir quand le médecin m’a confirmé que j’étais déjà enceinte de huit semaines. Devenir parent était la dernière chose dont je rêvais à l’âge de 23 ans, alors j’ai envisagé l’avortement ou l’adoption.

La loi irlandaise a compliqué ma situation : aucun médecin ne me parlait des options qui se présentaient à moi. Je me sentais extrêmement seule. J’ai réservé un vol pour Manchester pour aller avorter, grâce à mes parents et mon petit-ami qui m’ont aidée financièrement. Mais le jour J, j’ai senti que l’avortement serait trop lourd à porter psychologiquement.

À cause du silence autour de l’avortement en Irlande, je n’avais pas réalisé que beaucoup de femmes se sentent tristes après avoir avorté. Cette expérience m’a fait comprendre qu’il fallait que je me batte pour le droit à l’avortement et la suppression du huitième amendement en Irlande. J’aime ma fille, et je la soutiendrai toujours sur son droit de devenir parent quand elle sera prête. »

Article de juillet 2018, mis à jour en juin 2022.

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