Aux urgences pédiatriques : où sont les pères ?

Des couples qui défilent aux urgences pédiatriques, paniqués pour leur bébé, il y en a. Mais, parmi les couples hétérosexuels, il y a aussi des papas passablement malhabiles avec leur nourrisson. Mathilde, interne en stage de pédiatrie, compile sur Twitter des anecdotes à faire grincer les dents.

Tout a commencé avec un réveil un peu brutal à quatre heures du matin. Mathilde*, l’interne de garde aux urgences pédiatriques, doit se tirer du lit pour effectuer… un lavement de nez sur un bébé. Soit un geste réalisé environ huit fois par jour par les parents. Face à elle, en cette heure plus que matinale, un papa sacrément gauche et son môme de 18 mois. « D’habitude, c’est ma femme qui s’en occupe », se justifie-t-il maladroitement. L’étudiante s’étonne : « Mais en 18 mois, vous n’avez jamais appris ? ». Ben non, justement, car quand le père s’en charge, le bébé pleure. « Et quand c’est votre femme, il ne pleure pas ? », l’interroge Mathilde. « Bah si, mais bon ».

Abasourdie, la future médecin jette un œil à l’infirmière, tout aussi médusée. Les deux ne se gênent pas pour passer un gentil savon au papa empoté. La même nuit, Mathilde reçoit un couple avec son bébé malade. Quand le petit fait caca, le premier réflexe du père consiste à passer l’enfant à la mère pour éviter d’être sali.

« Tout le monde a une histoire à raconter »

« Féministe, je suis depuis un moment le sujet de la charge mentale. J’avais déjà remarqué ça lors de mes stages chez les adultes : les femmes connaissent par cœur le traitement des hommes. Mais là, chez les enfants, ça m’a vraiment marquée », explique l’étudiante. Si les consultations ne se déroulent évidemment pas toutes de cette façon, elle constate quand même que ce genre de réaction se produit une à deux fois par jour. Alors, plutôt que de s’agacer toute seule, Mathilde décide de créer un compte Twitter, « Charge mentale Pédiatrie », @chargementale, où elle partage les anecdotes vécues par elle, ses co-internes ou les infirmières aux urgences pédiatrique. Car « tout le monde a une histoire à raconter. »

J’y connais rien ! D’habitude c’est sa mère qui gère.

Florilège  :
« Petit de 4 ans. Le père vient sans carnet de santé et est incapable de m’expliquer quels sont les symptômes. L’enfant vomit dans le box. Le père me regarde paniqué, les bras ballants, et ne bouge pas. « Vous pouvez le nettoyer aux toilettes monsieur…. » »

« Petite de 2 ans, amenée par son père : »Elle a de la diarrhée depuis 3 jours. » La mère arrive 1h plus tard, après la prise en charge initiale basée sur les dires du père : « Mais pas du tout, elle n’a pas de diarrhée ! Elle vomit sans cesse depuis 2 jours et ne fait plus pipi ! » »

« Enfant de 2 ans amené pour malaise par le papa seul : « J’étais pas là quand ça s’est passé, j’en sais rien. Faut demander à la maman, je l’ai juste amené car j’ai la voiture. » »

« Nourrisson de 3 mois qui vient pour vomissements.
« C’est simplement des reflux monsieur. Elle a de la fièvre ?
– Je sais pas, j’ai pas de thermomètre chez moi, j’y connais rien ! D’habitude c’est sa mère qui gère, mais là elle est en déplacement. Merci de me rassurer ! »»

Pédagogie et congé paternité

Désormais plus habituée à la pédiatrie, Mathilde prend le temps de faire de la pédagogie avec les papas qui se présentent. « Par exemple, pour les lavements de nez, chaque fois qu’un couple est là, je demande si le papa sait faire et s’il ne sait pas, il ne sort pas tant qu’il n’a pas appris. » Sans jugement, elle leur enseigne les bons gestes.

« Il ne sont pas de mauvaise volonté, la plupart sont même ravis d’apprendre. C’est juste qu’avant, ils ne s’étaient tout simplement jamais posé la question. Notre rôle de soignant consiste aussi à leur dire qu’il s’agit de leur responsabilité. »

Au-delà des apprentissages et des améliorations au quotidien, la future médecin est convaincue qu’un réel changement passera par un allongement du congé paternité, actuellement d’une durée de onze jours. « Il faut qu’il soit aussi long que le congé maternité, c’est primordial », assure-t-elle, en prenant l’exemple des vaccins. Le premier rendez-vous obligatoire pour l’enfant arrive à ses huit jours, les deux parents peuvent donc être présents. Or, pour le second rendez-vous, à deux mois, non plus obligatoire  mais fortement recommandé, « les pères sont rarement là ». Et la charge mentale repose donc, ô surprise, sur les mères.

*Le prénom a été modifié

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