Agnès Jaoui célèbre la puissance des femmes au Mobile film Festival

Chaque année, il offre sa chance aux réalisateurs et réalisatrices du monde entier. Le Mobile film festival tient cette année sa 16e édition, avec pour principe, toujours le même : demander à des hommes et des femmes de filmer avec leur smartphone un petit film d’une minute, sur un thème précis. Et cette année, le thème avait des accents de sororité et de vitamine D : l’empouvoirement des femmes (« Women’s power »). Le résultat, c’est un record de femmes (57 %), pour 1130 films provenant de 101 pays, dont il n’en reste plus que huit.

20 Minutes vous présente le palmarès, avec la présidente du jury, l’actrice et réalisatrice
Agnès Jaoui.

Career Path – Grand Prix International

Vous connaissez la métaphore du plafond de verre ? C’est une expression qui désigne l’impossibilité pour certaines catégories, et notamment les femmes, d’accéder à certains postes, les plus hauts dans la hiérarchie. C’est ainsi qu’on ne compte par exemple aucune femme à la tête du Cac 40 et seulement 4 % de femmes cheffes d’orchestre dans l’Hexagone. Career Path (« parcours professionnel » en français) d’Alisa Tritenko (Royaume-Uni) illustre cette expression à merveille. Un film « pas victimaire » pour Agnès Jaoui, puisqu’on y voit des femmes combattantes qui s’entraident. « De façon très simple et avec des belles idées de plans ce film promeut ce qui est le thème de cette année, l’entraide, l’empowerment », résume l’actrice. Ce film a reçu le Grand prix international, d’un montant de 20.000 euros, grâce à l’aide de la banque BNP Paribas.

Une nouvelle page – Grand Prix France

C’est un petit film animé, dont les images au style d’Epinal apportent une touche poétique, légèrement surannée. Une nouvelle page de Christabel Desbordes et Benjamin Clavel nous plonge dans un monde masculin, où les femmes ont l’air, à l’aune des manuels scolaires, de débarquer dans l’Hhstoire de l’humanité seulement au 20è siècle, et où l’homme est « contraint de vivre avec une femme plus jeune que lui ». « La » femme a de la chance, « on lui a aussi confié des tâches valorisantes comme éplucher les patates ou récurer les bidets ». « C’est archi-ironique. Très beau, très inventif, très drôle. Et cela ouvre sur de l’espoir et de la solidarité », commente Agnès Jaoui. Une nouvelle page remporte 20.000 euros, avec le concours du programme
#EllesFontYouTube.

#freethenipples – Coup de cœur du Jury

Cela peut être difficile à croire, mais en 2020, trois ans après MeToo, les seins des femmes (et seulement ceux des femmes, on rappelle que pourtant les hommes aussi éprouvent du plaisir à cet endroit) sont encore censurés sur les réseaux sociaux. #freethenipples de Florence Fauquet (France) dénonce cette inégalité de traitement entre hommes et femmes, mais n’a pas échappé à la censure : 10 jours après son apparition sur YouTube (et malgré la participation de la plateforme de vidéos au concours), il était effacé. De même sur Instagram, propriété de Facebook. « La violence est admise mais les tétons de femmes, c’est pas possible… se désole Agnès Jaoui. Cela semble comique mais ça en dit long. » Le film est à nouveau visible sur YouTube et sur l’Instagram du festival.

Divar – Prix de la mise en scène

Ce sont des garçons qui jouent au ballon avec d’autres personnes derrière un mur, sans savoir qui elles sont vraiment… Et c’est toute la surprise de Divar (« Le Mur ») de Farideh Naderi (Iran), qu’on vous laisse découvrir. « C’est une très belle réalisation. C’est très simple. Cela dit tout. On ne pense pas une seconde que c’est fait avec un smartphone », commente Agnès Jaoui, qui se réjouit que le jury ait reçu beaucoup de films d’Iran. Et la présidente d’ajouter : « On voit qu’il y a encore beaucoup de combats à mener en Occident, mais les combats à mener dans le reste du monde sont d’une autre teneur. » Divar reçoit une bourse d’aide à l’écriture du CNC de 3.000 €, tout comme The Bride.

The Bride – Prix du scénario

« Papa dit que l’école est une perte de temps, il dit que les femmes devraient rester à la maison, apprendre à faire un bon repas et à être une bonne épouse. » Telle est l’histoire de Miriam, 14 ans, mariée de force à un ami de son père, racontée dans The Bride (« La mariée ») par Florin Clay Ejeh (Nigeria). L’histoire de nombreuses adolescentes (12 millions chaque année selon l’ONU) qui subissent aussi bien souvent en même temps la violence et la polygamie imposée. » C’est un sujet qui persiste et la réalisation est simple et implacable, subtile » s’enthousiasme Agnès Jaoui.

Not your tropical girl – Prix d’interprétation féminine

« Bonjour mademoiselle, nous avons vu votre vidéo, et nous pensons que vous êtes pleine de vibrations tropicales, souhaitez vous passer une audition pour un rôle ? » C’est sur cette question étonnante, à la fois sexiste et raciste, que commence le film Not your tropical girl (« Je ne suis pas votre fille tropicale ») de Limuy Asien (Taïwan). Avant de se transformer en rap pêchu et combatif. « Vous m’avez pris mes terres et ma langue maternelle, et maintenant, vous voulez me priver de mon temps d’écran », chante Kuyu Tuyaw, qui a l’air plus qu’à l’aise dans ses baskets. C’est aussi l’avis d’Agnès Jaoui : « Cette petite est incroyable, tout est un pied de nez à l’archétype de la tropical girl. On a eu envie de la saluer dans tous les sens du terme, au bout du monde là-bas, avec sa force et sa détermination. »

Il était une fois – Prix d’interprétation masculine

Les princesses ne sont pas celles que vous croyez… Dans Il était une fois de Thibault Castan (France), un homme, alias Samuel Roger, joue avec sa fille avec des figurines de prince charmant et de princesse. La fillette-princesse piégée par un monstre demande de l’aide, et le père-prince charmant propose de la sauver. Sauf que ce n’est pas exactement de cette aide dont elle avait besoin, vous l’apprendrez. Agnès Jaoui s’en réjouit : « On a beaucoup aimé ce film qui joue avec les codes, l’acteur et l’actrice sont épatants. »

L’objectif du Mobile Film Festival est de révéler et de soutenir les talents, en les aidant à se professionnaliser. C’est justement ce qui a plu à Agnès Jaoui, par ailleurs engagée pour le Secours populaire et la
campagne des Pères Noël verts : « Ce festival permet à des gens qui n’ont pas accès à des caméras de montrer leurs films. C’est très démocratique ! C’est une utilisation vertueuse et intelligente des nouvelles technologies, qui permet de découvrir et comprendre d’autres cultures. » Si vous avez envie de poursuivre l’exploration, sachez qu’il y en a 52 autres à découvrir par ici.

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