A Marseille, une exposition sur les délogés projetée sur la mairie

  • L’exposition « Indigne Toit » est visible sur une façade de la mairie et tout autour de la place Bargemon jusqu’au 22 novembre, même pendant le confinement.
  • Cette exposition présente des photos, des textes et des sons, relatant le quotidien des Marseillais délogés de leur logement.
  • Actuellement 400 à 500 personnes vivent toujours dans des hôtels.

« Je m’appelle Baiha. J’ai 70 ans et j’ai vécu pendant 22 ans dans un immeuble pourri de la rue Tapis Vert. Je demande un appartement depuis 2017, et je n’ai jamais eu de réponse. J’ai été délogée, et je vis à
l’hôtel depuis le 13 juin 2018. Je suis très fatiguée. J’ai perdu mon moral, parfois je n’arrive plus à tenir. Je veux la paix, pouvoir rester chez moi et vivre les jours qu’il me reste à vivre tranquillement. Je ne peux pas trop continuer… », a témoigné, pleine d’émotion, cette délogée.

Comme Baiha, ils sont toujours 400 à 500, à Marseille, à vivre dans des hôtels après avoir été délogés de chez eux à la suite d’arrêtés de péril. C’est l’histoire de tous ces délogés, qu’Anthony Micallef a souhaité relater à travers l’exposition « Indigne Toit », dont les photos sont projetées sur la mairie et autour de l’espace Bargemon jusqu’au 22 novembre. « A la suite de l’effondrement des immeubles de la rue d’Aubagne, je me suis demandé ce qu’il y avait à raconter de différents de ce qu’on pouvait trouver dans les médias. Et j’ai choisi de raconter les conséquences de ces effondrements sur les vivants », relate-t-il.

« Pour leur rendre leur dignité »

Le plus dur n’a pas été de les convaincre de témoigner, mais de retrouver leurs traces après avoir été éparpillés dans des hôtels aux quatre coins de Marseille. « Une fois retrouvés, l’immense majorité de ces gens me disaient  » merci d’être venu  » », explique-t-il. L’exposition se compose de photos, de textes, et de son grâce à des QR codes. « Les photos sont surtout là pour leur rendre leur dignité alors qu’on les avait fait disparaître. L’image peut contrecarrer cette disparition, cette invisibilité. Les sons et les textes sont presque les plus importants. Ils sont là pour libérer la parole de ce tabou qu’est le mal logement ici à Marseille et dont personne n’osait parler avant le drame de la rue d’Aubagne », explique-t-il.

L'exposition « Indigne Toit » sur les délogés à Marseille, projetée sur la façade de la mairie.

Mais aussi pour montrer que cette problématique concerne tout le monde. « Rue Curiol, ils ont mis en péril deux immeubles, mais ce sont dix autours qui ont été évacués. C’est l’affaire de tous les citoyens », rappelle Anthony. Pendant près de deux ans, il a récolté pas moins de 12.000 images, dont beaucoup ont déjà été publiées dans des médias. « Mais je voulais qu’elles soient vues par le maximum dans l’espace public. Et quoi de mieux que la mairie qui jusqu’à l’élection de la nouvelle municipalité, représentait le mépris ? Ma seule condition était d’avoir carte blanche, et c’est ce que j’ai eu », relate, heureux, Anthony Micallef.

« Je suis à la tête d’une institution qui a beaucoup à se faire pardonner »

Michèle Rubirola, la nouvelle maire de Marseille, dont les apparitions en public sont relativement rares, a tenu à être aux côtés de ces délogés, après le silence de l’ancienne municipalité. « En tant que maire, je suis à la tête d’une institution qui a beaucoup à se faire pardonner et qui doit reconnaître sa faute. En quatre mois, on n’efface pas 25 années d’inaction, mais on se met en ordre de bataille », a-t-elle annoncé.

Même avec ce nouveau confinement, les photos « de drame mais aussi de solidarité », pour certaines hautes de 4 mètres, sont visibles sur une façade de la mairie, et tout autour de la place Bargemon. « Ce sera probablement la seule offre culturelle pendant ce confinement, et la mairie reste ouverte. Ça peut être l’occasion d’une rapide sortie pour regarder les tirages », espère-t-il.

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