Rétro Match – Nous avons retrouvé la Miss France qui avait refusé sa couronne
Il y a 37 ans, Corinne Ascione avait refusé sa couronne de Miss France 1983. Pour Match, qui l’avait déjà interviewée à l’époque, elle revient sur cette aventure.
Nuit de la Saint-Sylvestre au Casino de La Seyne-sur-Mer. Minuit vient de passer, et dans les coulisses du grand théâtre, les Miss se sont souhaité une heureuse année 1983. La santé bien sûr, la réussite aussi. L’ambiance est cordiale, malgré l’angoisse et l’excitation. Le jury s’est retiré. Elles sont une quarantaine de jeunes femmes, en maillot une pièce bleu-blanc-rouge, attendant un verdict qui pourrait changer leur vie. Corinne Ascione, 17 ans, jolie brune souriante élue Miss Cagnes, patiente comme les autres. Le comité n’est pas revenu de ses délibérations quand son manager, Bernard Roman, la prend par le bras, un peu à l’écart des autres filles. « C’est bon, c’est toi », souffle-t-il. « Je ne devrais pas te le dire, mais c’est toi la Miss France ». « Il avait un grand sourire, il était tellement content pour moi, mais moi je ne disais rien », se souvient Corinne, 54 ans. Au silence de sa protégée, le manager sent que quelque chose ne va pas. « Je lui ai juste dit : ‘non, je ne peux pas’ ». Bernard tente de la raisonner. C’est peine perdue.
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À la dernière minute, au pied du trône, elle a dit non. Corinne Ascione ne veut pas être la plus belle fille de France. La jeune femme est amenée devant le jury, réuni autour d’une grande table. « À huis-clos, comme au tribunal ! », plaisante-t-elle aujourd’hui, même si les souvenirs émouvants de cette soirée lui feront parfois perdre ses mots. Elle fait face au regard inquisiteur de Jean Raibaut. Le promoteur est l’imposant patron du Comité Miss France dit «de Marseille», héritier de l’historique concours de «La plus belle femme de France» et principal opposant à Geneviève de Fontenay dans la guerre des Miss qui fait rage à l’époque. « Si vous étiez désignée Miss France, accepteriez-vous le titre ? », lui demande-t-il. Silence. Dans l’assemblée, regards et murmures la pressent de dire oui. « J’ai dit ‘non’ en tremblant, il a juste dit ‘sortez de là’ d’un ton dur ».
« Si Bernard ne m’avait pas prévenue, je serais montée sur scène, pour devenir Miss France malgré moi… »
Le comité ne veut pas que le couac s’ébruite, Corinne encore moins. Mais à l’annonce des résultats, une rumeur parcourt la salle. Le public avait le droit de voter, Corinne était la favorite, elle n’a qu’un titre honorifique. Le lendemain, elle fait la une de tous les quotidiens de la région. On s’étonne, on s’amuse à l’idée d’une reine de beauté faisant valdinguer la couronne d’un revers de la main. Elle reçoit des lettres d’admirateurs, des demandes en mariage. Le curé vient féliciter la vertueuse jeune fille. Dans les semaines qui suivent, ce sont les radios, les télés, les magazines, « Elle » notamment, et Paris Match. Dans le numéro 1756 de notre magazine, daté du 21 janvier 1983, Corinne pose en maillot léopard échancré sur le canapé familiale, pour notre photographe Jack Garofalo.
Aux médias qui se pressent chez ses parents, la jeune fille de 17 ans parle peu, alors ses proches – et parfois des reporters – parlent à sa place. On répète la même chose. Le jeu n’en vaut pas la chandelle, les Miss sont ringardes, elle a d’autres ambitions… Ironie de l’histoire, son refus a provoqué exactement ce qu’elle souhaitait éviter disant non à son titre. Aujourd’hui, elle nous confie sa vérité : « À l’époque, j’étais extrêmement timide, je n’avais pas du tout confiance en moi, je ne parvenais pas dire un mot en public ». Quand elle comprend ce qui l’attend pendant un an – les galas, les projecteurs, les caméras- c’est trop. Jusqu’à cette soirée du Nouvel An, les concours avaient été de sympathiques fêtes locales, avec ses amis et ses parents dans le public. Avec le titre national, elle serait devenue Miss Professionnelle.
Pourquoi, alors, s’être engagée dans cette voie ? « C’est ma bande de copains qui m’a inscrite à ‘Miss Vacances’ dans mon dos. Je n’ai pas osé dire non, je ne voulais pas les décevoir. Moi je ne me trouvais pas moche, mais quelconque ». Les jurés lui donnent tort. Elue, elle est sélectionnée pour Miss Carnaval à Nice. Chaque victoire l’amène à l’élection suivante. Miss Cagnes-sur-Mer, Miss Beaulieu, Miss Antibes… « Si Bernard ne m’avait pas prévenue, je serais montée sur scène, pour devenir Miss France malgré moi…»
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Des fois, je me suis demandée ce qu’aurait été ma vie
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Dans cette aventure, Corinne est aussi un peu poussée par sa mère, heureuse de voir sa fille adorée sur le devant de la scène. « Quand elle a su que j’avais dit non, j’ai pris une belle gifle, je m’en rappellerai toute ma vie ! Mais je ne lui en ai jamais voulu, j’ai compris sa déception. Et avec tout cet argent gaspillé… » Entre les robes, les chaussures et les accessoires, ses parents, de simples ouvriers, ont dépensé quelque 6000 francs ; 2000 euros aujourd’hui. Seul le fameux maillot tricolore était offert…
Tout n’a pas été perdu dans cette affaire. L’office du tourisme de Nice l’embarque pour une tournée d’un mois en Corée du Sud et au Japon, pour faire la promotion de la ville. Un voyage inoubliable. Et puis en tenant tête à son manager et au jury, elle s’est impressionnée elle-même. Il faudra quelques années encore pour vaincre sa timidité, mais sa mue est en marche.
Vient la question épineuse. A-t-elle eu des regrets ? Corinne ne répond pas immédiatement. « Des fois, je me suis demandée ce qu’aurait été ma vie. Mais je ne crois pas que j’aurais été plus heureuse. J’ai deux grands garçons, je suis déjà grand-mère. Je ne les aurais peut-être pas eu si ma vie avait été différente. Et ce sont eux qui ont fait mon bonheur ». Si elle n’est pas une inconditionnelle du rendez-vous, Corinne regarde généralement l’élection de Miss France, avec une pointe d’envie et de nostalgie pour les robes, le maillots, les défilés… Beaucoup moins en voyant les projecteurs et les micros.
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