Mathilde Seigner : "Le coronavirus n’a pas prévu de se déconfiner le 11 mai"

Mathilde Seigner devait être en ce moment en pleine promo pour «Un tour chez ma fille» avec Josiane Balasko. Initialement programmé le 3 juin, le film sortira dans quelques mois à une date encore indéterminée. L’actrice la plus populaire de France fait le point sur ces 55 derniers jours.

Paris Match. Avez-vous vécu ce confinement comme une privation de liberté ou comme une pause dans votre vie?

Mathilde Seigner. Le 29 février j’étais chez moi, assise au milieu de mes cartons en train de faire le tri dans ma maison que je venais de vendre. Je me souviens bien de la date car c’était le lendemain de cette horrible cérémonie des Césars qui avait été d’une violence inouïe contre mon beau frère Roman Polanski, lorsque j’ai eu comme un pressentiment. Je m’entends encore dire à mon assistante que je ne comprenais pas pourquoi les gens étaient si méchants, que le monde ne pouvait pas continuer comme ça et que tôt ou tard on allait se prendre un tsunami dans la gueule.

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Vous voulez dire que vous aviez pressenti cette pandémie ?

Je n’irai pas jusque là, mais quand on nous l’a annoncée je n’ai pas vraiment été étonnée. Maintenant était-ce nécessaire de confiner le monde entier comme on l’a fait ? C’est un autre débat. Comme je n’avais pas vraiment envie de reprendre du service d’ici la fin de l’année, j’irai presque jusqu’à dire que ça m’a arrangée.

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Comment l’avez-vous vécu ?

J’ai eu l’impression de vivre un éternel dimanche, ça tournait un peu en rond c’est vrai, mais finalement j’ai trouvé que le temps passait plutôt vite. Je me suis régalée tous les jours en regardant à 14 heures sur France 2 les films du patrimoine français. Quand je les avais déjà vus, je me replongeais dans «Joséphine ange gardien» et «Affaire conclue». J’adore! Je suis une folle des séries mais comme je ne sais pas faire marcher ma nouvelle télé, j’ai dû m’en passer. Ce qui m’a amusée, je dois dire, c’est de voir que certains artistes ont eu besoin d’exister pendant ce confinement sur Instagram et de se filmer chez eux, comme s’ils avaient peur qu’on les oublie. J’avoue que ça m’a un peu gavée. J’ai moi-même été beaucoup sollicitée mais je n’avais aucune envie de montrer ma tronche. Je ne suis pas du genre à vouloir exister à tout prix. Cela a été une période d’introspection finalement plutôt enrichissante .

Qu’avez-vous appris sur vous que vous ne sachiez pas ?

J’ai découvert à ma grande surprise que j’aimais bien vivre seule. Mon fils Louis, qui va bientôt avoir 13 ans, est resté avec moi un mois. On le faisait travailler, mais comme nous venons de déménager, il n’avait qu’une chose en tête : sa nouvelle chambre. Il est ensuite allé passer un mois avec son père qui habite à Briançon. Dans un couple on peut s’aimer très fort de loin, sans être obligé de partager le quotidien. Une fois pour toute, j’ai décidé de tout positiver alors que je vois beaucoup de gens autour de moi qui ont très peur de ce virus.

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J’ai peur pour l’après

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Pas vous ?

Non. Je fais très attention.Ce qui me fait peur en revanche c’est l’après. J’ai de beaux projets de films pour 2021 et 2022. Je ne suis pas très angoissée pour moi, mais je le suis pour les autres. Pour mes amis dans ce métier, pour le monde de la culture en général. Pour les cafés, les restaurants, les hôtels… Je ne suis pas là à faire le procès du gouvernement. Je trouve au contraire qu’il est souvent injustement attaqué, mais que vont-ils devenir ?

Vous pensez qu’il y a une leçon à tirer de ce qui arrive ?

Je ne suis pas un experte en politique, mais je me dis qu’il faudrait peut être qu’on arrête de trop dépendre des autres pays. Je suis sûre qu’on a les moyens et la capacité de faire dans tous les domaines du made in France. C’est tout à l’honneur de ce gouvernement de ne pas vouloir prendre de risques. Ils font ce qu’ils peuvent, mais il y a des choses que je ne comprends pas.

Comme quoi ?

Comme le dit Stéphane Bern, je veux qu’on m’explique pourquoi on ne rouvre pas tout le patrimoine, par exemple Versailles qui fait 800 000 mètres carrés ou on peut vraiment avoir une distanciation, alors qu’on va faire circuler des métros bondés. On a plus de risques de choper le virus dans le métro que sur une plage ou dans une forêt.

Est ce que vous pensez comme certains qu’après cette épreuve les gens vont changer ?

Je n’y crois pas beaucoup. Il y aura une pause et tout va reprendre comme avant. J’ai peur de la suite, de toute cette colère et de ce ressentiment accumulés ces deux derniers mois. Le danger écarté, les gens vont recommencer à taper sur le gouvernement, les gilets jaunes vont revenir… Pauvre Macron, il s’en souviendra de son quinquennat !

Vous comprenez cette colère ?

Oui. Comme le dit si justement Vincent Lindon, c’est facile quand on est dans une belle baraque de bien vivre ce confinement et de donner des leçons. J’espère de tout mon cœur que les infirmières, les aides soignantes que j’applaudis tous les soirs vont être augmentées et avoir de grosses primes. Le «corona» ce n’est pas la grippe espagnole c’est vrai, mais il y a beaucoup de dommages collatéraux, des suicides, des gens qui ont subi des violences, qui sont morts de solitude… Il ne faut pas qu’on les oublie.

Comment personnellement envisagez-vous de vivre ce déconfinement ?

J’appréhende un peu ce qui va se passer. Je vais pendant un bon moment continuer à vivre de la même façon. Il faut arrêter une fois pour toute de se bisouiller et de se filer des microbes. Autant que je sache, le coronavirus n’a pas prévu de se déconfiner le 11 mai ! Le côté positif de cette période, s’il y en a un, c’est que j’ai eu la chance de voir Paris comme je ne l’avais encore jamais vu et cela ne se reproduira peut être plus jamais. Un Paris d’après guerre, une ville fantôme mais si belle. Pour la première fois j’ai entendu les oiseaux chanter dans mon quartier. J’ai senti des odeurs que je n’avais pas sentie depuis des années, j’ai vu des canards dans les endroits les plus improbables. J’ai vu la nature reprendre le dessus. C’était magnifique.

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