Le chanteur Alex Beaupain, confronté à la crise du disque : "Faire mon métier ne suffit pas"

Alex Beaupain, acclamé par la critique pour ses talents d’écriture et de composition, explique pourquoi le métier de chanteur n’est plus synonyme de fortune.

À 45 ans, Alex Beaupain fait partie de ces artistes réputés, acclamés par la critique pour ses talents d’écriture et de composition, récompensés par plusieurs prix. Sa pop mélancolique, autobiographique et littéraire lui a valu entre autres deux grands prix de l’académie Charles-Cros en 2008 et 2013, mais aussi un césar de la meilleure musique de film et un disque d’or pour Les Chansons d’amour (2007), de Christophe Honoré, dont il signe (presque) toutes les BO depuis vingt ans. Il n’est pas le plus à plaindre. Et pourtant…

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L’effondrement des ventes de CD, couplé à l’avènement du streaming, est-il une source d’inquiétude pour vous?

Pas plus que ça. Je suis d’une génération de l’entre-deux, arrivée au moment où le disque était déjà en crise. Je suis donc très lucide. Quand j’ai démarré ce métier, des artistes à peine plus âgés avaient déjà des problèmes avec le téléchargement. Ma génération a un public à son image, à la fois habitué aux plateformes, au CD, au vinyle, qui s’achète sans que personne ne se soucie de combien de fois il sera écouté. Le streaming, c’est une autre planète, chaque écoute compte. Pour que le même disque nous rapporte quelque chose, il faut des quantités d’écoutes compulsives. Évidemment, nous n’en sommes pas là…

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Mon activité de chanteur ne représente que la moitié de mon temps et de mes revenus

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Quelle conclusion en tirez-vous?

Que faire mon métier, avec l’équation traditionnelle album/tournée, ne suffit pas! Mais je n’ai pas d’attentes disproportionnées. Ni moi ni Vincent Delerm ne nous attendons à vivre ce qu’a pu vivre Alain Souchon il y a vingt ou trente ans. J’ai la chance d’avoir toujours écrit pour d’autres [Julien Clerc et Calogero notamment] et d’aimer ça. Sans le succès de la BO du film Les Chansons d’amour, juste après mon premier album, je ne sais pas si ma maison de disques de l’époque [Naïve] m’aurait permis d’en faire un deuxième… D’entrée, j’ai été très attentif à l’économie du disque. Mes trois premiers albums, produits par un indépendant, ne devaient pas contractuellement, coûter plus de 35.000 euros, un budget assez serré à l’époque. J’ai parfois dû refuser des dépenses qui me paraissaient superflues.

Et maintenant?

Mon activité de chanteur ne représente que la moitié de mon temps et de mes revenus. Ma tournée en cours s’étale sur 70 dates jusqu’à fin 2020. Ça me permet de revenir épisodiquement à mes autres projets. Ne pas être obnubilé par Alex Beaupain chanteur me sauve aussi bien financièrement qu’artistiquement. Je suis mon propre éditeur depuis cinq ans. Ça a l’avantage de m’inciter à développer d’autres projets, comme celui de Françoise Fabian dont j’ai réalisé l’album ou d’Axel Reynaud, un jeune que j’aide à démarrer. Je prépare un nouveau livre-disque avec Isabelle Monnin, romancière avec qui j’ai publié Les Gens dans l’enveloppe (2015), ma meilleure vente « physique » à ce jour, 125.000 exemplaires! Je ­réfléchis à un prochain spectacle, je travaille sur deux films. Être sous contrat avec un label [­Polydor] et un tourneur [Astérios] me laisse libre de mes choix et m’aide à me sentir épaulé, estimé. Après, je n’ai pas d’enfants, je prends le métro, je vis dans 43 mètres carrés… Je ne me vois pas arrêter la musique ni faire autre chose. Ni prendre de vacances ou acheter un château en bord de Loire.

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