INTERVIEW – Dimitri Rassam : le goût du panache
Enfant déjà, il voulait être producteur. Par amour pour le cinéma. Héritier du clan Rassam-Berri, le fils de Carole Bouquet est celui qui a initié Les trois mousquetaires, dont le second volet Milady est en salles. Rencontre avec un passionné à l’esprit vif.
Dimitri Rassam est un aventurier des temps modernes. Il en possède la fougue et cette part d’inconscience maîtrisée qui permet de transcender ses peurs pour se lancer dans des projets cinématographiques dantesques. En discutant avec lui à l’heure du thé quelques jours avant la sortie de Milady, second volet des Trois mousquetaires, on se met soudain à penser que, s’il avait vécu au XVIIe siècle, il se serait engagé forcément dans la compagnie des mousquetaires du roi pour affronter son destin. Avec panache. Esprit aiguisé, il esquive certaines questions qu’il estime trop personnelles. C’est un art. Un don aussi. Ainsi jamais, au cours de notre conversation, il n’évoquera son épouse, Charlotte Casiraghi, la fille de la princesse Caroline de Hanovre, la mère de son fils Balthazar, 5 ans. L’élégance du sentiment… Peut-être a-t-il aussi l’impression de se dévoiler dans les longs métrages qu’il initie. En vingt ans de carrière, le fils aîné de la comédienne Carole Bouquet et de Jean-Pierre Rassam, producteur brillant et charismatique des années 1970 derrière les films de Godard, Pialat, Jean Yanne ou Marco Ferreri, décédé quand Dimitri avait 4 ans, s’est imposé comme un des plus importants faiseurs de rêve du cinéma français. Son ascendance – il est le neveu du producteur et distributeur Paul Rassam, le filleul du réalisateur Francis Ford Coppola, chez qui il a passé régulièrement ses vacances d’été, neveu du réalisateur et producteur Claude Berri, cousin germain du producteur Thomas Langmann – aurait pu le tétaniser, lui faire mettre un genou à terre. Dimitri, lui, l’assume. Elle le stimule, le porte, le galvanise. Il se compare souvent à un sportif. A 42 ans, il en a la carrure et, surtout, le mental. Volubile, il nous entraîne dans son univers. Extraits choisis.
GALA : Nous nous rencontrons une semaine avant la sortie de Milady, la très attendue suite des Trois mousquetaires. Dans quel état serez-vous le premier jour de sa projection en salles ?
DIMITRI RASSAM : Fébrile, et c’est assez mystérieux comme état. On n’est jamais sûr de rien. On attend que se cristallise ou pas le désir du public. On essaie de s’apaiser en disant que ce que l’on propose est la meilleure version de ce que l’on pensait pouvoir faire. Mais en même temps, on a tellement envie que l’histoire soit belle jusqu’au bout… Alors, on va déjeuner avec l’équipe du film. On a tendance à vouloir se retrouver pour vivre ensemble cette journée. Nous recevons les chiffres des entrées en direct. On essaie de mesurer la qualité de l’envol du film. Finalement, on est comme des sportifs après un match.
“ Je voulais me reconnecter avec les films qui ont marqué mon enfance”
GALA : Est-ce qu’on arrive à vivre avec cette peur de l’échec ?
D. R. : Oui. Pour la conjurer, il faut s’investir, se donner au maximum, être le plus sincère. Je déteste les échecs. On ne fait rien sans risques. J’ai l’impression que mon travail est de servir le film jusqu’au moment où il existe par lui-même. Le public devient souverain. La peur parfois vous mène vers le succès. Il n’existe pas de recette…
GALA : Qu’est-ce qui vous a poussé à adapter l’œuvre d’Alexandre Dumas au cinéma ?
D. R. : Le canevas historique de l’intrigue. Le XVIIe est un siècle extraordinaire. J’ai fait des études d’histoire à la Sorbonne en dilettante. J’ai débuté un mémoire, que je n’ai jamais terminé, dont le thème était « Richelieu, Mazarin : deux hommes, une politique ». Adapter cette fresque, c’était peut-être m’y confronter de nouveau. C’était aussi me reconnecter avec les films qui m’ont profondément marqué lorsque j’étais enfant comme Indiana Jones, L’ours ou Cyrano de Bergerac.
GALA : Vous allez toujours au cinéma ?
D. R. : Moins souvent, faute de temps. Mais j’adore y aller avec mes deux enfants, partager ces émotions avec eux. J’ai vu Barbie avec Darya, ma fille aînée [née d’un premier mariage, ndlr]. Après la séance, elle m’a joyeusement charrié pendant une heure. J’avais vraiment l’impression d’être Ken. Elle a 12 ans et commence à se passer de l’autorisation de ses parents sur ses choix culturels. C’est une grande consommatrice de séries, par exemple. Elle a vu Les trois mousquetaires puis elle est allée le revoir avec ses copines. Ce f i lm plaît à toutes les générations… Mon f ils Balthazar, lui, ne l’a pas encore vu. Ce n’est pas de son âge. Il adore les grands classiques d’animation. Au cinéma, j’aime le regarder, voir ses yeux s’écarquiller, rentrer dans l’histoire. Un jour, il verra Les trois mousquetaires et j’espère qu’il sera indulgent avec moi. Avec les enfants, il faut partager et transmettre ses passions, mais aussi les laisser développer leurs propres goûts, leurs propres univers. Pour ma part, on ne m’a pas forcé à aimer le cinéma. C’était contagieux.
GALA : Peut-on parler de prédestination ?
D. R. : On est tous le produit d’une histoire et la mienne est liée à ce métier. J’ai eu une enfance très heureuse. J’ai fait toute ma scolarité, de la maternelle à la terminale, à l’EJM, une école bilingue parisienne. J’ai grandi avec des amis qui ont des horizons, des parcours différents. J’ai eu assez tôt l’envie de faire ce métier. Après, j’ai appelé ma boîte de production Chapter 2, j’assume de m’inscrire dans une histoire.
GALA : Et dans une filiation ?
D. R. : L’homme qui s’est beaucoup occupé de moi dans mon enfance, c’est mon oncle Paul. C’est une filiation d’oncle à neveu. J’ai eu la chance d’avoir les parents que j’ai. Ma mère nous emmenait très peu sur les tournages, mon frère et moi. Elle nous protégeait beaucoup. Elle nous a surtout transmis sa passion pour la culture. On allait au théâtre, au concert, voir des expositions. Je lui suis reconnaissant parce que ce sont des émotions qui restent. De voir ma mère, mes oncles, mon cousin aimer le cinéma, être heureux dans leur métier, c’était galvanisant. Aujourd’hui, j’ai le sentiment d’être à l’endroit où j’avais envie d’être.
Cet article était à retrouver dans le Gala N°1592, disponible le 14 décembre dernier dans les kiosques. Le nouveau numéro de Gala sort ce jeudi 21 décembre 2023. Bonne lecture.
Crédits photos : BORDE-JACOVIDES / BESTIMAGE
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