Interview de João Lança : “Revoir ma mère a été un choc !”
Hospitalisée depuis deux mois, Linda de Suza a eu la surprise de voir son fils à son chevet après des années de silence. L’occasion de prendre des nouvelles de la chanteuse…
Le coeur enlacé au souvenir de son fils unique mais les bras si vides de lui, Linda de Suza souffre d’une grave pathologie pulmonaire avec pour seul décor le rivage glacé de sa chambre d’hôpital. Face à sa détresse, son fils João, 54 ans, a accepté de la revoir après des années de discorde. Il s’est confié sans fard en exclusivité pour France Dimanche…
©Julien Reynaud / APS Media / Bureau233
France Dimanche : Comment va votre maman ?
João Lança : Ce fut un choc, un crève-coeur. Il m’a fallu ne rien montrer et être fort face à elle. Elle est très affaiblie et amaigrie. C’était une grande fumeuse, et son infection pulmonaire s’est aggravée d’autant qu’elle ne s’alimentait plus et se laissait dépérir.
FD : Êtes-vous optimiste quant à sa guérison ?
JL : Elle accepte à nouveau de se nourrir. J’ai l’espoir qu’elle soit sur le chemin de la guérison et qu’elle puisse aller dans une maison de convalescence. Depuis Lisbonne où je vis, je prends de ses nouvelles régulièrement.
FD : Depuis quand ne l’aviez-vous pas vue ?
JL : Depuis 2014. Elle m’a pris la main, me l’a serrée fort. Nous étions émus. Nous avions envie de ces retrouvailles. Comme si c’était hier…
FD : Vos relations ont été souvent houleuses…
JL :Ma mère est extrêmement possessive, exclusive et jalouse. Elle a un caractère difficile. Elle n’a jamais supporté que je tombe amoureux de la mère de mes enfants, Sonia, que j’ai rencontrée très jeune alors qu’elle avait dix ans de plus que moi. Or on ne met pas un enfant au monde pour soi, il faut accepter qu’il vole de ses propres ailes.
FD : Vous avez deux enfants, Michaël, 30 ans, et Gabrielle, 34 ans. Quelle grand-mère a-telle été ?
JL : Elle a été absente. Ils n’ont pas de souvenirs avec leur grand-mère. Il n’y a eu que des rendez-vous manqués. Pourtant ce n’est pas faute d’avoir cherché à en créer quand elle venait à Lisbonne où je suis parti dès 1996. Elle me snobait souvent en me disant : « Tu sais ce que c’est la vie de star »… Je suis son fils, tout de même !
FD : Quelle mère a-t-elle été ?
JL : J’ai eu de l’amour, mais c’était davantage une bonne copine qu’une mère. Je ne porte pas de jugement. C’est un constat. Je pense qu’elle n’a pas eu elle-même le mode d’emploi durant sa propre jeunesse. J’ai des souvenirs heureux avec elle. Puis de l’âge de 11 ans à 16 ans, elle était sans cesse en tournée et je restais seul avec mes chiens. Elle était très insouciante. Je n’ai pas été malheureux mais, avec le recul, on souffre davantage de son enfance en étant adulte.
FD : Vous êtes compositeur et interprète. Votre mère vous a offert votre premier piano à 14 ans…
JL : C’était magique ! Un cadeau fabuleux. Je compose toujours avec, et souvent avec les larmes aux yeux.
FD : Vous avez même fait ses premières parties…
JL : En cachette de ma mère, je composais. J’ai montré mes premières compositions à Jean Musy, son compositeur et arrangeur. Il en a retenu quatre avec l’approbation de ma mère qui a découvert que j’en étais le compositeur. Jean Musy a eu l’idée du duo Dis-moi pourquoi avec ma mère. Cela nous a mis le pied à l’étrier et nous a permis de faire ensemble une tournée. Ensuite, j’ai produit des titres pour moi.
FD : Quel regard portez-vous sur la carrière de la chanteuse ?
JL : Elle a eu une carrière magnifique, mais je pense qu’à un moment, elle a oublié la communauté portugaise. Elle aurait dû faire un album en portugais avec l’orchestre philharmonique de Lisbonne. Quand elle s’est trop sophistiquée, habillée par Pierre Cardin, sur l’album Rendez-vous, elle s’est éloignée du public. Elle est devenue trop star et vendait moins d’albums. Il ne faut jamais oublier ses racines.
FD : C’est d’ailleurs l’esprit de l’album en portugais et français, La Couleur de mon âme, que vous sortez…
JL : Mes racines m’ont toujours appelé. C’est mon ADN, c’est ce qui coule dans mes veines, même si j’adore la France et que j’y ai vécu longuement. Il ne faut pas oublier d’où l’on vient.
FD : Dans ce disque, vous vous livrez sans pudeur…
JL : Cet album me définit. C’est un projet personnel et familial. Mon fils a composé un titre, je fais un duo avec ma fille et on y entend ma femme, mon pilier. Une vraie mamma pour le coup ! Il y a un hommage, grâce à la plume de Frédéric Zeitoun, à mon beau-père qui a remplacé le père que je n’ai pas eu, et à mon arrière-grand-mère.
FD : Vous vous produirez à Bobino le 9 novembre, accompagné d’artistes lusophones, dont Micaela et Valdemar…
JL : Ce concert ne pourrait avoir lieu sans le soutien de mon mécène, Valdemar Francisco, un entrepreneur très actif dans le devoir de mémoire des conditions de vie des Portugais à leur arrivée en France. Il y aura mes chansons, des artistes invités portugais et un titre en hommage à ma mère.
FD : Être le fils de Linda de Suza vous a-t-il pesé ?
JL : Notre histoire est un peu à l’image des Delon. Elle ne fut pas un long fleuve tranquille. J’ai souhaité avoir le contraire avec mes enfants. Je n’ai jamais été opportuniste et n’ai jamais voulu vivre dans son sillage. Or on me dénie le droit d’exister par moi-même. On nie ce que je suis et mon identité artistique. Parfois, sur les réseaux sociaux, c’est violent ! Je n’ai jamais repris un titre de ma mère, ni son nom. Mon nom est celui de mon grand-père paternel. À 54 ans, je crois plus que jamais en moi…
L’album A cor da minha alma (la couleur de mon âme) est chez Païs Real.
João Lança est en concert à Bobino le 9 novembre.
Dominique PARRAVANO
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