"Elle pourra tout jouer" : Souheila Yacoub, cette gymnaste surdouée à l’assaut du cinéma français

Elle a cette beauté magnétique, cette énergie farouche qui captent d’emblée. Une présence irradiante révélée au théâtre avec Wajdi Mouawad en 2017, confirmée depuis au cinéma et à la télévision. L’actrice suisse, ancienne gymnaste, dansera bientôt dans En corps de Cédric Klapisch.

Dans l’appartement du XVIIIe arrondissement, à Paris, où Souheila Yacoub nous a donné rendez-vous, les deux chats Zoé et Rivaille règnent en maîtres. Ponts suspendus, griffoirs et hamacs ornent les poutres du studio et donnent au salon des allures d’aire de jeux animalier. Au milieu de cette faune féline trône Souheila Yacoub, 29 ans, actrice suisse d’origine flamande et tunisienne, dont le nom signifie «étoile du berger». Elle impressionne par sa beauté sauvage et intrigue par sa personnalité à la fois conquérante et timorée. La jeune femme n’a goûté que très tard à la liberté. Entre 12 et 20 ans, elle s’est distinguée comme gymnaste de haut niveau, entraînée par des coachs russes et bulgares, et a écumé les compétitions dans le but d’atteindre les Jeux olympiques de Londres de 2012.

Veste texto en velours de soie, Alexandre Vauthier Haute Couture et top en soie plissée brodée de feuilles d’étain, Ronald Van der Kemp.

Robe en plumes d’autruches et pantalon en soie, Ashi Studio.

Costume brodé d’une constellation de perles irisées, sequins, lames et cristaux, et pull à col montant en vinyle, Azzaro Ateliers. boots Manolo Blahnik.

Top en tulle de soie brodé de rubans peints à la main, de strass et de perles, et jupe à nœud en radzimir de soie, Chanel Haute Couture.

Discipline et restrictions

De cette période difficile, elle garde le goût du travail et du collectif, la discipline, mais aussi un rapport au corps faussé par des années de restrictions, d’interdits et de torsions. Elle se souvient également de ses passages dans des familles d’accueil (à qui les fédérations font appel pour les sportifs mineurs), pas toujours faciles à vivre : «Un couple évangéliste voulait absolument me faire lire la Bible tous les soirs, se rappelle-t-elle, mais heureusement ils n’étaient pas tous comme ça…» Après huit ans passés à suivre des entraînements intenses, le fiasco des JO (son équipe n’est finalement pas sélectionnée) apparaît rétrospectivement comme une libération : «Tout le monde pleurait de désespoir alors que je me suis effondrée de bonheur», confesse-t-elle. À 20 ans, sa vie a commencé.

Elle retourne à Genève aux côtés de ses parents et de sa sœur Inès, son aînée, mais les retrouvailles sont de courte durée. Un an plus tard, elle part à la conquête de Paris. L’objectif ? Intégrer le Cours Florent pour devenir actrice et «tout déchirer», sans rien connaître du cinéma. «En Suisse, voir un film coûte 32 francs (environ 30 euros). Venant d’un milieu modeste, je ne faisais pas de sortie culturelle avec ma famille.» Elle entre dans la célèbre école de théâtre sans jamais avoir entendu parler de François Truffaut, avec comme principales références Titanic et Gossip Girl. Mais Souheila Yacoub se lance dans cette jungle portée par une envie vitale de jouer : «J’adorais me raconter des histoires, m’inventer des amoureux… Je mentais d’ailleurs beaucoup à l’époque.»

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Talent libre et intense

L’essentiel est qu’elle sait qu’elle a trouvé sa place. Après trois années passées au Cours Florent, elle entre au Conservatoire national supérieur d’art dramatique. C’est là qu’elle noue des amitiés indéfectibles : Benjamin Voisin, Stefan Crepon ou encore Nadia Tereszkiewicz… Une génération de jeunes, ambitieux, qui, peut-être plus que leurs aînés, semblent unis par une solidarité à toutes épreuves.

Très vite repérée au théâtre ( Tous des oiseaux , de Wajdi Mouawad), puis au cinéma (Climax , de Gaspar Noé, Le Sel des larmes , de Philippe Garrel), elle est révélée à la télévision dans Les Sauvages, de Rebecca Zlotowski. Son prochain objectif ? La comédie. Se permettre (enfin) un lâcher-prise qu’elle envie chez les autres.

Cédric Klapisch qui l’a dirigé dans En corps la définit ainsi : «Elle est hors norme. Souheila possède un côté à la fois technique et sauvage. En ça, elle me rappelle Romain Duris. Elle n’a pas conscience de son talent et comme elle ne rentre dans aucune case, elle pourra tout jouer.»

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À l’approche de la trentaine, celle dont le leitmotiv est désormais «Fini, la compétition !», apprend également à goûter aux joies de la vie privée : «Avec le confinement, j’ai compris que le bonheur était également ailleurs que dans le travail.» En couple depuis trois ans avec le célèbre rappeur Lomepal, elle profite pleinement de sa nouvelle vie : «Moi qui étais privée de tout comme sportive, je me mets à cuisiner après des années de disette.» Souheila Yacoub ou l’art de vivre…

Souheila Yacoub est à l’affiche de Entre les vagues, d’Anaïs Volpé, sortie le 16 mars, et de En corps, de Cédric Klapisch, sortie le 30 mars.

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