DÉCRYPTAGE – Margrethe II de Danemark, reine de glace ? Quand la couronne passe avant la famille
Elle a été surnommée par la presse « La reine de glace ». En septembre dernier, Margrethe II de Danemark choquait le monde entier en retirant à quatre de ses huit petits-enfants leurs titres princiers. Une décision brutale et incomprise. Au point de laisser penser que la reine fait primer la couronne sur sa propre famille.
Le coup est rude. Le 28 septembre dernier, la reine Margrethe II de Danemark fait savoir, par le biais d’un communiqué, que les quatre enfants de son deuxième fils, le prince Joachim, seront déchus de leurs titres royaux de prince et princesse. Ainsi, sa Majesté souhaite « créer le cadre permettant aux quatre petits-enfants de façonner leur propre vie dans une bien plus grande mesure sans être limités par les considérations et devoirs particuliers qu’implique une affiliation formelle à la Maison royale du Danemark en tant qu’institution ». Du côté du prince Joachim et de ses enfants, c’est le choc. Le fils cadet de la reine n’aurait été prévenu que cinq jours avant l’annonce officielle.
Dans la presse, même incompréhension. La façon de faire étonne, et les critiques sur cette reine longtemps respectée pleuvent. Au point que les tabloïds la surnomment « Reine des glaces » ou encore « Crazy Daisy », en référence à son surnom Daisy… « L’année dernière, c’était son jubilé d’or et elle est entrée dans l’année avec plus de 80% d’approbation. À la fin de l’année, elle était tombée à 69 %. Elle avait perdu 11% à cause de la façon dont elle avait géré la suppression des titres » confiait Jacob Heinel Jensen, journaliste à B.T.,« elle a pris un risque énorme en faisant cela. »
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Sa relation tumultueuse avec son époux, le prince Henrik
Avant cette décision très commentée, Margrethe II jouissait d’une belle popularité et avait su gagner l’affection des Danois. Une monarque spontanée, rieuse, aux tailleurs de couleurs vives, qui parle couramment l’allemand, le français, le suédois et l’anglais. Très érudite, elle est aussi passionnée de couture, de dessin et de peinture. Margrethe II a notamment illustré des ouvrages tels que le « Seigneur des anneaux« , de J.R.R. Tolkien. Très accessible, elle est la seule reine à donner régulièrement des audiences publiques aux Danois pour leur offrir l’opportunité d’exposer leurs problèmes. La reine de Danemark, très loin de la réserve d’une Elizabeth II, avait néanmoins en commun avec cette dernière, le respect absolu de l’Institution. « Margrethe a abordé son long règne avec un sens extrême du devoir », expliquait l’ancienne journaliste royale Trine Villemann à Vanity Fair, « Elle croit vraiment que sa position lui a été donnée par Dieu, et étant une personne profondément religieuse, elle ressent un énorme sentiment d’obligation. » De là à faire passer la monarchie avant les propres membres de son clan ?
Sa relation avec son défunt époux, le prince Henrik tend à le prouver. Toute sa vie, Margrethe II a dû gérer un mari contrarié et incompris. « La reine ne lui a jamais donné ce qu’il voulait vraiment. L’égalité et un titre plus prestigieux. Jusqu’à la fin, le prince Henrik a exprimé sa frustration quant à sa place dans la famille royale. Il avait le sentiment d’être traité injustement, » confie Jacob Heinel Jensen. Henri de Laborde de Monpezat, un Français rencontré dans les années 50, qui ne s’est jamais contenté de son titre de prince consort. Non, il voulait être roi. Et cela, Margrethe II ne le lui a jamais accordé. « J’accepte de jouer le jeu. Mais c’est très dur pour un homme de ne pas être considéré sur le même plan que son épouse » regrettait-il ouvertement dans ses mémoires intitulées Destin oblige parues en 1996.
En 2002, lorsque Margrethe II est souffrante pour la cérémonie des vœux du nouvel an, c’est son fils Frederik qui la remplace. En coulisses, son mari fulmine. Fâché, blessé, le prince Henrik claque la porte et part se réfugier dans son château français de Caïx dans le Lot. La crise est à son paroxysme. « Je vais avoir besoin de temps pour réfléchir », lance-t-il avec colère. « Je me sens mis à l’écart depuis trente ans, sous-estimé et rejeté. On ne m’a pas respecté ou reconnu pour ce que je fais » lâche-t-il furieux dans la presse. Si des rumeurs de séparation ont souvent circulé, le choix de ne pas être inhumé aux cotés de son épouse sonne comme un terrible divorce. Certain ont évoqué la démence dont il était atteint, rendant ses dernières décisions difficiles à comprendre. D’autres, au contraire, y ont vu un ultime doigt d’honneur.
Deux fils, et un seul héritier
Ensemble, le couple a eu deux fils, les princes Frederik et Joachim, forcément spectateurs mais aussi victimes des disputes répétées de leur parents, en privé et en public. L’aîné, le prince héritier Frederik, apprendra un soir à table « qu’il héritera de tout le pays ». Un destin lourd à assumer. « Au début, l’idée d’être roi était pour moi quelque chose d’effrayant, de sombre, de cafardeux, que j’essayais de repousser » a-t-il confessé dans son autobiographie. A cette époque, la presse se questionne sur son aptitude à devenir roi, l’héritier préférant faire la fête et les bolides lancés à grandes vitesses. Heureusement, Frederik et Joachim se complètent, et le cadet s’avère être un atout et un allié. Mais la rencontre du prince héritier avec l’australienne Mary Donaldson va changer la donne. Dès lors, les deux frères s’éloignent. En 2014, on fait comprendre au prince cadet qu’il n’y pas assez de place et pas assez d’engagements pour lui et sa femme. Le prince Joachim s’envole pour la France avec sa seconde épouse, la princesse Marie, et s’installe loin de Copenhague. A demi-mot, le couple évoquera un exil forcé. « Ce n’est pas toujours nous qui décidons (…) Je pense que c’est important de savoir, » avait regretté la princesse Marie.
Quand la décision de priver de titres ses quatre enfants tombe, le prince Joachim, blessé, s’émeut et se sent trahi. Malgré son exil, il jouit d’une belle popularité. Pour certains commentateurs, il est même un « meilleur orateur et le membre de la famille royale le plus naturel ». Margrethe II a-t-elle volontairement écarté son fils cadet au profit de son aîné ? « Frederik n’était certainement pas le favori de la reine en grandissant. Elle n’a jamais compris sa nature sensible et le fait qu’il en voulait assez ouvertement à son sort. Il voulait être tout sauf roi », souligne Trine Villemann, « mais la vieillesse commence à la rattraper et elle veut mettre de l’ordre dans sa maison. Si cela signifie mettre à l’écart Joachim et sa famille, qu’il en soit ainsi. En tant que reine et chef de l’État, elle considère désormais que son principal devoir est d’assurer l’avenir dynastique de sa famille. »
Face au tollé provoqué par sa décision de retirer leurs titres à quatre de ses petits-enfants, la reine a semblé opérer un rétropédalage. « J’ai pris ma décision en tant que reine, mère et grand-mère, mais, en tant que mère et grand-mère, j’ai sous-estimé à quel point mon fils cadet et sa famille se sentent touchés. Cela fait une grande impression, et j’en suis désolée, » a-t-elle admis. Mais en aucun cas, elle n’est revenue sur sa décision. De quoi plomber les fêtes de fin d’année. A Noël, la famille royale ne s’est pas réunie. Les frères ne s’adressent presque plus la parole. Le 1er janvier 2023, les enfants du prince Joachim ont été destitués de leurs titres princiers. L’avenir de la monarchie plus fort que les liens du sang.
Crédits photos : Royalportraits Europe/Bernard Rubsamen / Bestimage
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Fille aînée de Frédéric IX de Danemark et d’Ingrid de Suède, Margrethe II succède à son père le 14 janvier 1972. La monarque, qui a fêté en 2012 son jubilé de rubis, jouit aujourd’hui encore d’une incroyable popularité auprès de ses sujets.
Mariée au Français Henri de Laborde de Monpezat, Margrethe, que ses proches surnomment affectueusement Daisy, restera à ses côtés jusqu’à son dernier souffle, le 13 février 2018.
Ensemble, Margrethe II de Danemark et le prince Henrik auront deux fils : le prince héritier Frederik de Danemark et le prince Joachim.
En 1968, Margrethe II et Henri de Laborde de Monpezat donnent naissance à leur premier enfant. Aujourd’hui âgé de 49 ans, le prince héritier de Danemark Frederik est également très apprécié des sujets de la Couronne qui, interrogés par le quotidien B.T, le jugent pour 73% d’entre eux parfaitement préparé à son futur rôle.
Le 14 mai 2004, Mary Donaldson épouse dans la cathédrale luthérienne de Copenhague Frederik de Danemark. La princesse Mary, première Australienne à se voir accorder un titre royal, avait fait la rencontre du prince héritier quatre ans plus tôt à Sidney lors des Jeux olympiques d’été.
Ensemble, Mary et Frederik de Danemark auront quatre enfants : Christian, Isabella, Vincent et Josephine.
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