Angela Kelly : elle a relooké la Reine

Depuis 25 ans au service d’Elizabeth II, cette divorcée originaire de Liverpool est l’arbitre des élégances de Buckingham Palace.

Le jacquard peut tuer une silhouette. La Reine l’ignore quand elle arrive, drapée de pied en cap de ces lourds motifs, pour une réunion avec son habilleuse. Angela Kelly tique et se rebiffe : « Cela ne vous va pas du tout, c’est le mauvais choix. » Silence pesant. Un froid polaire contamine l’air de la pièce. A ce moment, le prince Philip apparaît. Il observe l’accoutrement de son épouse puis remarque, perfide et hilare : « Est-ce le nouveau tissu du canapé ? »

Une des nombreuses scènes intimes dévoilées par Angela Kelly dans son livre, qui narre vingt-cinq ans au service du style de Sa Majesté. Un ouvrage respectueux, laudateur, écrit avec l’accord de l’intéressée. Ni scoops ni secrets d’Etat sur les grands de ce monde ou les multiples Premiers ministres de « ma’am », mais le portrait en creux d’une amitié et d’une femme, Elizabeth II, sympathique, plus accessible qu’on ne le croit, humaine, marrante, malicieuse.

Un curieux attelage, cette mère divorcée d’extraction modeste, originaire de la cité industrielle de Liverpool, et la plus haute représentante de la caste aristocratique. La patate chaude face à l’accent rugueux des terres du Nord… La Reine, à la demande d’une Angela complexée, a d’ailleurs dispensé un cours de diction à son employée : il s’agissait de prononcer le mot « furious », la diphtongue au bon endroit. Quel effort !

Les deux complices se sont connues en 1992, au cours de quelques nuitées du couple royal à l’ambassade britannique en Allemagne. Angela œuvrait comme intendante. A la fin du séjour, le prince Philip s’enquiert auprès d’elle des prochains invités. Angela refuse de divulguer l’information, arguant d’un accord de confidentialité. « Vous pouvez certainement le préciser à Sa Majesté ? » insiste le duc d’Edimbourg. Non. Ce mutisme impressionne les Windsor dont l’habilleuse d’alors, Peggy Hoath, va incessamment s’offrir ce luxe qu’Elizabeth II ne pourra jamais s’octroyer : prendre sa retraite. Quelques semaines plus tard, Peggy Hoath rappelle Angela Kelly : « Ça vous dirait de travailler à Buckingham Palace ? »

Angela se forme en ce monde feutré et snob où les serviteurs zélés de la Couronne n’apprécient pas les divorcés. Avec condescendance, ils nomment cette provinciale « Miss Kelly ». La couturière se met à dessiner des croquis, préside aux essayages des mois à l’avance, devient la « madame image » de la Reine. Celle-ci n’achète pas de prêt-à-porter : elles choisissent ensemble les soieries, les accessoires, les tissus. Sous l’ère Kelly, Elizabeth II assume ses penchants pour la couleur et se transforme en bonbon acidulé. Du rose fuchsia, du vert éclatant, du rouge écarlate. Kelly raccourcit – un peu – les manteaux, rajeunit la garde-robe, bannit le gris, mauvais pour le teint. Il faut savoir ajuster sans mouler, préparer jusqu’à six changements par jour, même en vacances à Balmoral. La tâche est parfois ingrate. Angela, pointure identique à celle de la Reine, porte en premier les nouveaux escarpins afin d’éviter de fâcheuses ampoules à sa patronne.

Leur relation est empreinte de tendresse et d’humour. Quand Angela tente la chevelure bicolore en vogue au Royaume-Uni, blond au-dessus, brun en dessous, la Reine, perplexe, l’interroge : « Avez-vous déjà vu une pinte de Guinness ? » En Australie, Elizabeth II avoue son envie d’observer un kookaburra, oiseau local rare. Qu’à cela ne tienne, Angela en place un en peluche sur le balcon de la suite. La Reine l’aperçoit, s’enthousiasme ; Angela va l’attraper, se compose une mine déconfite pour lui annoncer qu’il est… mort. Horrifiée, la souveraine le recueille entre ses mains. « Poisson d’avril ! » rigole Angela. « Vous êtes virée ! » plaisante Sa Majesté, guillerette.

Le vêtement royal doit signifier au peuple la présence de la Reine, la respectabilité de la fonction, sa pesanteur, son histoire

Angela Kelly occupe une position si spéciale qu’elle constitue la clef pour approcher la femme la plus célèbre du monde. C’est elle que l’on envoie demander à la Reine si celle-ci aimerait participer à une séquence filmée au palace, avec Daniel Craig en James Bond, pour la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Londres. Bien sûr, à condition de prononcer une réplique ! « Après tout, il vient pour me sauver », précise-t-elle, midinette. Elizabeth opte pour la formule classique : « Bonsoir, monsieur Bond. » Le vêtement royal doit signifier au peuple la présence de la Reine, la respectabilité de la fonction, sa pesanteur, son histoire. A priori, ses idées politiques restent au placard. En juin 2017, lorsque la souveraine arbore un chapeau bleu surmonté de fleurs au cœur jaune pour l’ouverture de la session parlementaire, les commentateurs y ont déniché une référence au drapeau européen. Que nenni. « Une coïncidence, révèle Angela Kelly. Il n’y avait aucun message anti-Brexit, ni humour au second degré. Mais que d’attention avons-nous eue ! Ce qui nous a bien fait rire. » Honni soit qui mal y pense…

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AUSSI SUR MSN – Elizabeth II est-elle prête à se passer définitivement de fourrure ?

« The Other Side of the Coin. The Queen, the Dresser and the Wardrobe », d’Angela Kelly (éd. HarperCollins Publishers).

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