Andie MacDowell, la force de l’âge

Elle n’avait aucun film en compétition au dernier Festival de Cannes. Et pourtant, dès sa première apparition sur le tapis rouge, la Croisette ne parlait que d’Andie MacDowell. Ou plutôt de sa crinière poivre et sel, qui lui donnait une allure folle lorsqu’elle montait les marches. Si les réseaux sociaux se sont aussitôt enflammés, trop heureux d’alerter sur ce gris symbole de nouveau cool, l’enthousiasme allait perdurer les paillettes de l’évènement rangées. Et l’histoire s’étoffer.

Car ce gris porte un message : celui d’une femme de 63 ans qui assume le temps, se sent bien dans son âge et a furieusement envie de le montrer. Révélée en 1984 par Greystoke, la légende de Tarzan, elle brille ensuite autant dans les comédies à gros box-office des nineties (Un jour sans fin, Green Card, 4 mariages & 1 enterrement) que dans le nouveau cinéma indépendant applaudi par ses pairs (Sexe, mensonges & vidéo, Palme d’or à Cannes en 1989).

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Généreuse, drôle et réfléchie  

Son grand retour sur nos (petits) écrans s’est fait l’automne dernier face à sa fille, Margaret Qualley, dans la minisérie Maid où elle incarne Paula, une artiste excentrique qui refuse de soigner ses troubles bipolaires. Un rôle emblématique de ses nouvelles envies. Celles d’une femme superbe (64 ans le mois prochain) qui nous explique qu’il est « bien normal qu’elle fasse son âge ». Généreuse dans ses propos, réfléchie, drôle aussi, elle se montre à l’aise avec un sujet dont elle sait finement pointer les ambiguïtés et les contradictions.

Le bon dosage entre retenir ou laisser filer les années. La volonté d’assumer son âge sans pour autant vouloir qu’on vous en parle constamment. En bref, un âge assumé qui n’en devient pas pour autant réducteur.

Ainsi, quand elle nous lance, de but en blanc : « et vous, quel âge avez-vous ? » Puis commente, dans un grand éclat de rire « attendez d’avoir le mien ! », on se dit que, si le futur lui ressemble, il se présente plutôt bien.

Qu’est-ce qui vous a attirée dans le rôle de Paula, cette artiste atteinte de troubles bipolaires que vous incarnez dans la minisérie Maid

L’opportunité d’explorer quelque chose de différent et unique. Si souvent, on vous propose des rôles stéréotypés de petite copine, femme ou mère, mais beaucoup plus rarement un personnage comme celui de Paula. Parce qu’elle ne soigne pas sa maladie, elle est complètement imprévisible. Combien de temps vais-je devoir attendre avant que l’on me remontre un script aussi génial ?

Comment vous y êtes-vous préparée ? En consultant des publications médicales sur les comportements propres à la pathologie ?

Je lis livres et études nouvelles sur le sujet depuis plus de vingt ans. Quand j’étais enfant, ma mère a été diagnostiquée schizophrène et elle a reçu des traitements par électrochocs. Je pense qu’elle était en réalité maniaco-dépressive, mais nous étions en 1958. Le sujet me touche donc de près. J’ai pu observer certains symptômes peu connus, comme l’hyper-sexualisation. La sexualité débridée de Paula est une conséquence de cette maladie qui bouleverse la chimie du corps. J’ai travaillé des attitudes qui sont les miennes, par exemple une façon d’éclater de rire, que j’ai ensuite exagérées afin de les rendre justes pour Paula. J’ai aussi adopté un débit de parole très rapide car les personnes bipolaires sont souvent brillantes et dotées d’un cerveau qui fonctionne vite. Elles sont aussi douées pour mas qu er leur état par l’humour. Extraverties et boute-en-train, elles en deviennent séduisantes, ce qui est d’autant plus déroutant.

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Quel plaisir avez-vous trouvé à tourner avec votre fille Margaret Qualley, qui tient le rôle de la fille de Paula ?

J’ai déjà eu le plaisir de décrocher le rôle grâce à elle. Elle a parlé de moi au réalisateur et j’en suis très flattée. Honorée aussi qu’elle veuille travailler avec moi et qu’elle pense que j’étais la bonne personne pour le job. Elle a aimé mon interprétation de Paula, ce qui m’a mise à l’aise car je prenais un risque. Je n’avais jamais rien fait de semblable.

Les deux dernières années ont été dingues grâce aux mouvements Times’Up et #MeToo.

Vos deux filles, Margaret mais aussi Rainey, sont devenues actrices. Les avez-vous conseillées sur la complexité de ce choix de carrière pour une femme ? Notamment sur la difficulté de durer et/ou de vieillir dans le milieu du cinéma ? 

Pas vraiment, car on ne pense pas à ces choses-là quand on a 20 ans. En revanche, je leur ai beaucoup parlé de l’importance d’avoir une bonne culture cinématographique, de connaître les réalisateurs et les films, de maîtriser le jargon du métier. J’ai grandi à des années-lumière de ce milieu et j’ai dû tout apprendre seule. Mais elles n’ont pas non plus été élevées dans une famille « hollywoodienne ». Je considère le cinéma comme un travail, que j’ai toujours séparé de ma vie privée. Je souhaitais qu’elles aient une vraie enfance et étudient, pas les transformer en enfants acteurs. Elles ont toutes les deux une formation de danseuse et nous discutions surtout de danse. Nous allions voir des ballets, nous écoutions de la musique. Je ne savais pas qu’elles voulaient bifurquer vers le cinéma. Aujourd’hui, elles sont bien dans leur corps et dans leur tête, et je suis fière de ce qu’elles sont devenues. Margaret vient de tourner avec Claire Denis (dans Des étoiles à midi, ndlr), n’est-ce pas un excellent début ? 

Qu’est-ce qui a changé pour les femmes dans l’industrie du cinéma depuis vos propres débuts ? Est-ce plus facile pour elles de s’y épanouir ?

Les deux dernières années ont été dingues grâce aux mouvements Times’Up et #MeToo, dont l’impact a réellement bousculé les mentalités. Sur les tournages, on voit enfin plus de femmes, pas seulement à la réalisation et à l’écriture, mais à tous les postes techniques. J’ai connu une époque où un réalisateur cas-tait d’abord le personnage masculin, même s’il n’avait pas le premier rôle, argumentant que les gens allaient au cinéma pour voir des hommes.

Pensez-vous que ces mouvements, #MeToo, Times’Up, Body Positive, ainsi que tous les combats féministes actuels aident aussi à faire accepter l’idée de bien vieillir au féminin ?

C’est effectivement un combat féministe mais qui reste très difficile car rempli de paradoxes. Par exemple, à partir du moment où l’on parle « d’anti-âge », donc de stopper l’âge, on n’est déjà plus dans l’acception de l’âge. Et, soyons honnêtes, au quotidien, vieillir n’est pas simple. On met toujours l’accent sur le vieillissement du visage, le plus visible. Mais moi, mon ego en prend un coup quand je regarde mes bras. À ce moment précis de doute, je dois me dire : hé, c’est OK, tu aimes tes bras, ne commence pas à les détester. Ils changent dans un processus normal de cycle de vie et de temps qui passe. Tu n’es pas moins belle, moins forte, moins humaine ou moins sensuelle pour autant. Je dois être dans l’acceptation. On combat toujours le mot âge, or il peut aussi avoir une connotation positive. La contradiction : il ne faudrait pas lutter contre l’âge et pourtant on le fait constamment pour que rien ne change. Je suis la première à bien manger, boire beaucoup d’eau, prendre soin de mon corps pour continuer à monter à cheval et faire de la randonnée en montagne.

Pour beaucoup, une femme qui vieillit perd subitement sa sexualité. Alors qu’un homme la garde, quoi qu’il fasse.

 Qu’est-ce que l’âge vous a apporté ? 

L’envie de vivre à ma façon et pour moi, car je n’ai plus de temps à perdre. Le temps est devenu précieux. J’ai tant d’envies, d’expériences à vivre. Je n’ai plus ce luxe de pouvoir toujours faire plaisir aux autres. J’ai pris conscience que je devais d’abord me faire plaisir à moi-même.

Retrouvez la suite de cette interview dans votre Marie Claire numéro 835, daté avril 2022. Actuellement en kiosque.

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