Amour, famille et crise de la cinquantaine : rencontre avec Charlotte Gainsbourg et Yvan Attal
Dans Mon chien stupide, en salles ce mercredi 30 octobre, ils incarnent un couple en proie à l’insupportable bilan critique d’une vie, affrontant à la fois leurs échecs et leur solitude – en plus de leurs enfants. Interview.
Après Ma femme est une actrice et Ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants, sortis en 2001 et 2004, Charlotte Gainsbourg et Yvan Attal reviennent en couple dans Mon chien stupide, sixième long-métrage de monsieur, adapté du célèbre roman de John Fante. L’histoire d’Henri, 55 ans, auteur d’un best-seller dans le temps mais qui n’a rien signé depuis. Depuis ? Il reste cloîtré dans une maison coupée du monde sur la côte basque, et rejette la faute sur son petit monde exaspéré, à savoir sa femme Cécile et leurs enfants – notons ici la première apparition de Ben Attal, le fils du couple, sur grand écran. Jusqu’à ce qu’un énorme chien, accessoirement obsédé sexuel, ne rentre lourdement dans leur vie.
La vraie vie, Charlotte Gainsbourg et Yvan Attal la partagent depuis vingt-huit ans, trois enfants. Bien sûr, il a récemment découvert les affres de la cinquantaine. Naturellement, elle voit, nostalgique, ses enfants grandir. Reste qu’il y a bel et bien de l’amour entre ces deux-là. Leur complicité ne ment pas.
« Je les vois, autour de moi, les gens de mon âge »
Yvan Attal et Charlotte Gainsbourg, aka Henri et Cécile dans « Mon chien stupide », en salles le 30 octobre 2019.
Ce film, c’est l’adaptation du roman de John Fante, mais surtout un film sur un couple en CDI, deux personnes qui vieillissent ensemble pour le meilleur et pour le pire, l’égoïsme d’un artiste, une femme qui a sacrifié sa vie pour lui, des enfants comme des boulets… À quel point, ce film, c’est vous et votre histoire ?
Yvan Attal. – Je suis en crise de la cinquantaine, j’en peux plus de ma femme, j’en peux plus de mes enfants, ça c’est tout moi, je blague évidemment… Non, je dis souvent que ce personnage me ressemble un peu pour toutes ces raisons, c’est vrai, parce que ce sont des questions que je me pose. Comment vit-on à un moment avec des grands enfants ? On les regarde, qu’est-ce qu’ils deviennent, est-ce qu’on est content de ce qu’on a fait, de ce qu’ils sont devenus ? Et même sans eux, que me reste-t-il à faire à 50 ans, à l’âge où j’ai quand même vécu la plus grande moitié de ma vie ? Comment je vais trouver de la passion ? Comment je vais mettre ma vie en scène maintenant ? Je les vois, autour de moi, les gens de mon âge, je les vois chercher du neuf. Moi, j’ai trouvé le golf.
En vidéo, l’interview love de Charlotte Gainsbourg et Yvan Attal
Et vous, Charlotte Gainsbourg, vous renconnaissez-vous dans le rôle de l’épouse d’Henri, Cécile ?
Charlotte Gainsbourg. – Pas tant que ça, non… Je n’ai pas sacrifié ma vie pour être cloîtrée dans une maison de campagne à m’occuper de mon mari et de mes enfants. Alors oui, j’approche la cinquantaine, ça, ça me concerne, les enfants qui vont partir, qui sont partis. En réalité, c’est le sujet qui me parle, mais le personnage en lui-même, non. Je ne suis pas alcoolique (Yvan Attal fait le gros yeux, NDLR), je ne suis pas forcément sous anti-dépresseurs…
On imagine que le tournage n’a pas été un tournage comme les autres… Jouer un couple à l’écran quand on en forme déjà un dans la vie… C’est plus facile ou plus difficile sur un plateau ?
Charlotte Gainsbourg. – C’est plus difficile de ne pas se sentir impudique. Il y a quand même une équipe et on ne veut pas se donner en spectacle. Pour moi, le plus bel exemple, c’est la scène du pétard, parce que non seulement c’est l’un de mes meilleurs souvenirs de cinéma, mais aussi parce qu’on l’a partagé avec l’équipe. Nous n’étions pas seuls sur notre canapé, on a fait marrer l’équipe.
Yvan Attal. – Il faut dire que l’herbe était bonne aussi… Plus sérieusement, il y avait évidemment une complicité, il n’y avait pas d’inhibition d’acteurs, ce qui est peut sembler plus facile même si il y a des choses qu’on assume parfois plus de faire avec des inconnus, avec qui on trouve plus de liberté. Le fait de le faire ensemble a aussi rendu la chose plus importante. Du coup, ça met une pression supplémentaire.
« Notre fils a eu une histoire avec une fille particulièrement… gratinée »
Ben Attal, Yvan Attal et Charlotte Gainsbourg dans Mon chien stupide, en salles le 30 octobre 2019.
Dans le film, il y a aussi les petits copains et copines de vos enfants, dans les caricatures de la bimbo sans cervelle et de l’apprenti militaire bien borné. Du vécu, ça aussi ? En tout cas, un message subliminal adressé à vos enfants ?
Charlotte Gainsbourg. – (Rires)
Yvan Attal. – C’est l’adaptation du roman de John Fante, que voulez-vous, même si de temps en temps il y a des petites coïncidences. Un jour, notre fils a…
Charlotte Gainsbourg. – Non, t’es pas obligé.
Yvan Attal. – Ooooh, je ne suis pas obligé, mais je ne suis pas non plus interdit. Un jour, notre fils a eu une histoire avec une jeune fille particulièrement… gratinée. Disons que quand j’ai lu le roman de Fante, je l’ai vue tout de suite.
En vidéo, la bande-annonce de « Mon chien stupide »
Charlotte, vous avez dit que la promo vous agace un peu parce qu’Yvan Attal insiste beaucoup sur les vingt-huit ans que vous avez passé ensemble. Qu’est-ce qui vous a le plus irrité ?
Yvan Attal. – C’est sûr que quand je dis que je me suis identifié à ce personnage qui n’en peut plus de sa femme et de ses enfants, ça la fait réagir.
Charlotte Gainsbourg. – C’est vrai que ça me saoule un peu.
Yvan Attal. – Mais en même temps, je le dis avec beaucoup d’humour…
Charlotte Gainsbourg. – Et de gentillesse surtout. (Rires)
Yvan Attal. – Si je n’en pouvais plus de ma femme et de mes enfants, je me serais cassé depuis très longtemps. Même s’ils me font chier parfois, c’est quand même une histoire d’amour, et une manière de leur dire « je vous aime ».
Ce film, c’est un peu votre déclaration d’amour aussi, à votre compagne et à vos enfants ?
Yvan Attal. – Absolument. Mais ça, elle oublie… Elle ne retient que ce qu’elle veut, c’est comme les mauvaises critiques.
Charlotte Gainsbourg. – Ce n’est pas ça, mais on dirait ce n’est que dans un sens, que tu es le seul à faire une déclaration d’amour. Moi aussi, quand je joue avec toi, ce n’est pas facile. Parce que tu n’es pas tendre du tout. Il ne comprend pas mon trac, par exemple. Ou en tout cas, ça l’agace. Il ne sait pas faire avec mes difficultés. Et puis, l’enjeu est beaucoup plus fort. Si je suis nulle avec un metteur en scène, ça ne va pas me détruire, si je le suis face à Yvan, je trouve ça terriblement humiliant, ça me déçoit de moi et je n’ai pas envie qu’il soit témoin de ça. Parce que je suis fière, aussi.
Mon chien stupide, d’Yvan Attal, en salles le 30 octobre 2019.
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