Alice Winocour : "Je cherche à montrer une super-héroïne qui est aussi une mère"
En filmant une astronaute qui part en mission*, la réalisatrice Alice Winocour explore avec une grande finesse le lien mère-fille, dans "Proxima", déjà en salles, avec Eva Green dans le rôle principal. Elle nous raconte.
Marie Claire : Après l’hystérie (Augustine), les soldats traumatisés d’Afghanistan (Maryland), vous vous intéressez cette fois aux voyages dans l’espace.
Alice Winocour : Je suis fascinée par ce monde depuis toute petite. Mais il s’agissait d’une fascination poétique. Avec ce film, j’ai dû me confronter au réel, aller à la rencontre de vrais professionnels (au Centre européen des astronautes, à Cologne). Les astronautes se préparent pendant des années à quitter la Terre. Mais on ne raconte jamais cette réalité dans les films, alors que c’est une véritable épreuve. Ensuite est venue l’envie de raconter l’histoire de cette mère jouée par Eva Green, qui doit quitter sa fille. L’idée de séparation avec son enfant collait bien à celle de quitter la surface terrestre. C’est le même arrachement.
Les astronautes se préparent pendant des années à quitter la Terre. Mais on ne raconte jamais cette réalité dans les films, alors que c’est une véritable épreuve.
Avez-vous rencontré des femmes astronautes ?
Alice Winocour : Beaucoup. Le film est précisément un hommage à l’histoire de ces femmes dont on ne connaît pas la vie intime. Je cherche à montrer une super-héroïne qui est aussi une mère. Le cinéma représente rarement ces deux états chez la même personne, comme s’ils étaient incompatibles : Catwoman n’a pas d’enfant ! Dès que les femmes évoluent dans des milieux professionnels compétitifs, le fait d’avoir une vie de famille est encore trop souvent considéré par une partie de la société comme une faiblesse. Souvent, ces femmes mettent un point d’honneur à ne pas parler de leurs enfants. Et en éprouvent une grande culpabilité.
Êtes-vous confrontée à cette sorte d’omerta inconsciente en tant que cinéaste ?
Alice Winocour : Oui. J’ai une fille de 10 ans et je me rends compte que dans le travail je n’en parle jamais. Sauf cette fois, en faisant le choix de mettre ce lien au centre de mon film.
Quand avez-vous songé à faire du cinéma ?
Alice Winocour : Cela remonte à l’enfance, je crois. J’ai toujours eu un rapport compulsif aux images. Avec mon frère, on vivait dans une bulle de cinéma : on regardait les films d’Hitchcock. Psychose, je le regardais souvent. C’était obsédant. J’étais fascinée par le personnage d’Anthony Perkins. Aujourd’hui, je me rends compte que c’était quand même un peu bizarre. (Elle rit.) J’ai toujours aussi beaucoup écrit. Des histoires de princesses russes. Mes grands-parents ont émigré de là-bas à cause des pogroms. Après le lycée, j’ai fait du droit pénal. Je me voyais faire de grandes plaidoiries pour défendre les gens, genre Mr. Smith au Sénat de Frank Capra. Mes cinq années de fac m’ont d’ailleurs surtout permis de passer ma vie dans les salles.
J’ai toujours eu un rapport compulsif aux images.
Êtes-vous monomaniaque ?
Alice Winocour : J’ai tendance à m’immerger dans les sujets. J’ai un rapport obsessionnel aux choses. Je suis assez peureuse dans la vie, mais je me sens en sécurité sur un plateau de cinéma. La fiction me protège.
Proxima d’Alice Winocour, avec Eva Green, Matt Dillon, déjà en salles
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