Le bio est-il toujours meilleur pour la peau ?

Les acteurs du soin bio sont unanimes : un soin à base d’ingrédients naturels est mieux reconnu et assimilé par la peau. « La base d’une émulsion conventionnelle, c’est de l’eau et de l’huile inertes, qui n’apportent rien à la peau. En bio, on mélange des eaux florales à des huiles végétales, actives par essence, et dont la peau peut se gorger »explique Claire Gagliolo, fondatrice de l’application Clean Beauty et de la marque Officinea.

Héléna Marino, créatrice du site bazar-bio. com dédié à la cosmétique naturelle, va plus loin : « La peau interagit avec les ingrédients naturels, trie ce dont elle a besoin. Les formules synthétiques, moins bien assimilées, peuvent augmenter sa sensibilité, mener à de l’inflammation et donc au vieillissement prématuré. »

Des actifs un peu plus lents

Côté actifs, les fournisseurs de matières premières naturelles proposent désormais des ingrédients qui rivalisent avec les molécules de référence de l’industrie. « On peut mentionner de bons acides hyaluroniques de bas poids et de haut poids moléculaires, de l’acide lactique, obtenu par fermentation et de nombreux actifs végétaux pointus obtenus grâce à des solvants huileux notamment »précise Daniel Joutard, fondateur d’Aïny, dont le laboratoire formule pour de nombreuses marques vertes.

Pour autant, les partisans de la clean beauty considèrent que le référentiel Cosmos Organic (le nouveau référentiel européen en cosmétique biologique) est trop limitant pour garantir les meilleurs résultats. « Les AHA n’existent pas tous en bio, la vitamine C naturelle est encore plus difficile à formuler que l’acide ascorbique de référence, et rien ne remplace le rétinol dans les soins anti-âge. Quant à l’acide hyaluronique, il ne peut être encapsulé sans entorse au référentiel. Pourtant ces ingrédients ne posent aucun problème de sécurité »revendique Colette Haydon, fondatrice de la marque clean Lixirskin. 

Même écho chez Mathilde Thomas, fondatrice de Caudalie : « Je vais faire certifier deux produits en 2020, mais la plupart de mes formules ne pourront pas l’être car j’utilise des extraits de vigne qui ont besoin de stabilisants interdits, mais aussi des peptides différents pour les cernes, la fermeté, les rides. Le tout est à la fois safe et bien toléré. »

Comment trancher ? Disons que la cosmétique bio est aussi efficace, mais peut-être un peu moins vite. « Les soins agissent en profondeur et travaillent sur l’équilibre global de la peau de façon pérenne au lieu de ne résoudre qu’un problème en surface »revendique Héléna Marino. 

Des composants délicats à doser

Si certaines craignent encore les soins bios, c’est à cause des huiles essentielles, très efficaces mais extrêmement puissantes. D’ailleurs, les recommandations européennes conseillent de limiter leur dose à 5 % des formules. Encore trop pour les peaux sensibles. « Il n’existe quasiment pas d’huiles essentielles sans allergènes et certaines sont particulièrement irritantes ou sensibilisantes. De ce fait, certaines marques ont tellement peur qu’elles les utilisent à quantité homéopathique, au point qu’elles n’ont plus aucune efficacité »condamne Jean-Claude Le Joliff, cosmétologue indépendant.

Il est donc conseillé de les utiliser progressivement, d’abord avec un échantillon, puis en évitant les superpositions de produits et donc l’accumulation. Mais bio ne rime pas forcément avec huiles essentielles. Si elles composent souvent au moins une partie des parfums, comme en cosmétique conventionnelle d’ailleurs, elles sont désormais utilisées par environ la moitié des marques bios seulement. Aujourd’hui, il existe même des marques bios hypoallergéniques, comme Eau Thermale Jonzac (de Léa Nature) ou Officinea.

Autre sujet à polémique : les conservateurs. Pointés pour leur potentielle action de perturbateur endocrinien (parabens) ou irritante (phénoxyéthanol), les versions conventionnelles laissent place à des acides organiques. « La formulation doit être minutieuse car une partie de la population y est sensible. Quand ils sont surdosés, la peau devient rouge pendant quelques minutes », alerte Mathilde Thomas.

Rien de grave, mais gare aux irritations répétées. De là à dire que la cosmétique bio est mal tolérée, il n’y a qu’un pas… à ne pas franchir. La traditionnelle ne l’est pas moins, du fait des conservateurs incriminés, mais aussi d’ingrédients suspectés d’avoir une action de perturbateur endocrinien. Sans oublier parfums et colorants synthétiques, sources importantes d’allergies.

Une sensorialité équivalente

Les textures bios peuvent-elles être aussi divines que les industrielles ? Presque. « Difficile d’égaler le toucher des soins asiatiques, qui n’ont aucun scrupule à utiliser les huiles de silicone en masse »déplore Jean-Claude Le Joliff. Mais de nouveaux émulsifiants naturels garantissent des crèmes qui ne blanchissent plus. Les textures à transformation sont aussi bluffantes – de la gelée à l’huile puis au lait – une fois émulsionnées, et les touchers doux se font grâce à des équivalents de silicones extraits de la noix de coco.

Et comme le secteur est en pleine expansion, l’amélioration est rapide et constante. Les parfums des produits se perfectionnent aussi. Grâce à la distillation fractionnée, on choisit les molécules odorantes des huiles essentielles et l’on se débarrasse des allergènes. D’autres extraits de plantes améliorent la palette et proposent des senteurs hypoallergéniques. Seules quelques-unes ne sont pas encore finalisées, comme les fragrances aquatiques impossibles à reproduire sans la chimie.

Mathilde Thomas assure : « J’ai essayé de passer tous les parfums de mes produits en naturel, mais certains ne correspondaient pas encore à l’idée que je me fais d’une bonne sensorialité. Aujourd’hui, je dispose de vingt produits au parfum naturel contre cinquante plus traditionnels. » 

Les limites du maquillage aux ingrédients naturels 

Une palette restreinte : « Il existe très peu de colorants d’origine naturelle. La plupart ne sont pas très puissants et il est compliqué de les stabiliser »résume Jean-Claude Le Joliff. Tous les bruns dérivés de la nature sont représentés, mais pas de rouge vif. Interdite par le référentiel Cosmos, la cochenille, insecte utilisé en alternative aux colorants synthétiques, laisse la place à des extraits de betterave plutôt transparents. Sur les yeux, les pigments minéraux font le job, à condition d’aimer les demi-teintes subtiles. 

Un manque de glissant : « Avec des huiles classiques, on a du mal à formuler. Dans un fond de teint, soit on en met trop et la peau luit, soit on n’en met pas assez et elle est inconfortable. Même problématique pour le mascara : trop gras, il dégouline, pas assez, il cartonne »précise l’expert. Mais cela pourrait changer bientôt grâce à des silicones volatiles extraites de l’huile d’olive ou de la canne à sucre. Le maquillage certifié abrite malgré tout son lot d’ingrédients hydratants, nourrissants et protecteurs bénéfiques à la peau.

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